Fabrice Luchini s'amuse comme un petit fou dans Le mystère Henri Pick, un suspense littéraire qui donne le goût de lire.
Fabrice Luchini est un excellent acteur. Malheureusement, ses films ne sont pas toujours à la hauteur de son immense talent. Ce fut le cas récemment avec Un homme pressé et L'empereur de Paris. Le cinéaste français Rémi Bezançon (dont le plus haut fait d'armes demeure Le premier jour du reste de ma vie en 2008, qui a permis à Marc-André Grondin de mettre la main sur le César du meilleur espoir masculin) l'a compris et même s'il adapte ici un roman de David Foenkinos, cela ne l'a pas empêché d'écrire un rôle spécialement pour la star.
Celui qui a été formé par le grand Éric Rohmer campe d'ailleurs un personnage qui lui va comme un gant : un réputé critique littéraire qui utilise les mots pour triompher dans l'arène publique et privée. Il devient carrément obsédé par un populaire livre rédigé par un certain Henry Pick, un Breton décédé qui n'a jamais rien écrit de sa vie. À tel point que notre héros doute de la véracité de son auteur, décidant de mener sa propre enquête afin de rétablir les faits.
Cette investigation est loin d'être l'élément le plus intéressant du long métrage. Routinière au possible, la mise en scène rythmée noyée de musique s'abreuve sans vergogne au cinéma d'Alfred Hitchcock. Il y a les traditionnelles fausses pistes, les fils blancs de l'intrigue qui dépassent de partout, les suspects potentiels et le climat parfois menaçant de quelques séquences. Évidemment, le ton du thriller se sauce aux sources de la comédie.
Tout cela est un simple prétexte à une exploration du vrai et du faux, une plongée au coeur de la fiction qui enrobe le quotidien pour le rendre plus tolérant. Le marché des livres est bien entendu abordé (sans la précision du jouissif Doubles vies d'Olivier Assayas), tout comme celui de la critique (mais pourquoi diable cette profession a-t-elle aussi mauvaise presse?), alors que le scénario s'applique à ne jamais demeurer au niveau des idées. De l'immense potentiel rhétorique, c'est l'aspect pratique qui est privilégié, plus « démocratique » et rassembleur, quoique moins nourrissant.
Cela donne un récit souvent très drôle, aux répliques mordantes et aux situations saugrenues. Luchini nage comme un poisson dans l'eau, élevant les dialogues avec sa verve habituelle. Il est entouré de solides comédiennes, que ce soit Camille Cottin dans un registre plus posé que d'habitude, Alice Isaaz (LA Mademoiselle de Joncquières) qui accapare tous les regards et même Hanna Schygulla, l'égérie de Fassbinder.
Citer abondamment Duras, Proust et Joyce donne le goût de découvrir leurs chefs-d'oeuvre. Il manque toutefois des nuances, une certaine complexité qui permettrait à cette création d'être autre chose qu'un bon divertissement. L'étude psychologique n'est guère élaborée et il ne faut pas chercher une quelconque profondeur. Tout est à prendre au pied de la lettre, à l'image de cette conclusion expéditive et beaucoup trop explicative, qui lève le voile sur le peu de mystère existant.
Il est pourtant difficile de résister à la performance truculente de Fabrice Luchini, sans qui le film n'existerait probablement pas. Encore une fois, il est meilleur que le résultat en place, qui se laisse toutefois découvrir avec un malin plaisir.