Jennifer Lawrence continue à se mettre en danger. Après le très intense mother!, voici qu'elle se dévoue corps et âme dans le suspense Red Sparrow.
Elle y incarne une danseuse déchue recyclée en espionne à la solde de la Russie qui doit soutirer de l'information à un agent de la CIA (Joel Edgerton). Une véritable Mata-Hari moderne qui est prête à tout pour arriver à ses fins.
L'introduction du long métrage suscite rapidement la curiosité avec son ingénieux montage parallèle entre les deux personnages principaux. Il ne faut qu'une nuit pour que leur existence bascule à jamais. Ensuite, le récit qui est adapté d'un livre à succès se concentre sur l'héroïne, la montrant particulièrement déterminée à sauver son honneur et à se venger.
Ce n'est pourtant rien face à ce qui va suivre, l'entraînement pour devenir une espionne. Un passage obligé où les traumatismes physiques et psychologiques risquent d'être nombreux. À côté de ça, ceux de Kingsman ressemblent à du Disney. En prof exigeante, Charlotte Rampling est impériale, naviguant dans un climat tendu qui n'est pas sans rappeler celui de Night Porter, où elle trouvait un de ses plus grands rôles en carrière.
Le casting racé et étoilé de Red Sparrow est justement sa principale qualité. Outre Rampling, il y a le toujours excellent Edgerton, Matthias Schoenaerts en charismatique oncle manipulateur et le trop rare Jeremy Irons qui semble tirer bien des ficelles. Jennifer Lawrence est toutefois la locomotive de l'entreprise - Zola écrirait sa Lison - et on ne voit qu'elle à l'écran. Le scénario arrive par moments à rentrer dans sa tête et rarement la star aura été aussi loin dans la façon de composer avec des scènes d'ordre intime, personnel et sexuel.
L'ensemble s'écrase malheureusement à mi-chemin, lorsque l'espionne doit séduire sa cible. Arrêté par un mur de clichés, les conventions ne peuvent que déferler, emportant toute crédibilité, jusqu'à une finale des plus banales. Alors qu'on assiste à la tentative d'émancipation d'une jeune femme dans un impitoyable monde d'hommes, ce n'était pas pour la voir tout abandonner à cause de l'amour et de la passion. Surtout qu'il n'existe absolument aucune chimie entre Lawrence et Edgerton, ce qui rend la progression d'autant plus inopérante.
Le script se plaît à emprunter deux chemins diamétralement opposés qui ne forment jamais la symbiose souhaitée. L'intrigue faussement complexe se prend beaucoup trop au sérieux, flirtant avec celle du sublime Tinker Tailor Soldier Spy sans avoir sa profondeur. Son ambiguïté est d'ailleurs plus que mécanique. Puis il y a toutes ces séquences de violence et de torture qui rappellent le beaucoup plus divertissant et ludique Atomic Blonde, où Charlize Theron assurait en espionne peroxydée. Les estomacs sensibles ne risquent pas d'y adhérer.
Retrouvant son actrice fétiche après les trois derniers épisodes d'Hunger Games, le cinéaste Francis Lawrence offre une réalisation respectable (la photographie soignée fait ressortir des paysages la solitude de la protagoniste et la musique de James Newton Howard s'avère élégante) mais finalement assez oubliable. Ses emprunts aux oeuvres phares du genre des années 30 et 40 - ceux de Josef von Sternberg et d'Alfred Hitchcock en tête - sont négligeables, alors qu'il oublie de soigner son rythme tout en étirant inutilement la sauce sur 140 longues minutes. Lorsque la monotonie embarque, il n'y a presque rien pour l'enrayer, si ce n'est un moment complètement loufoque avec Mary-Louise Parker qui s'amuse comme une dévergondée dans le rôle d'une certaine Stephanie Boucher.
Se déroulant dans une Russie moderne où l'on parle presque toujours anglais et où le nom de Vladimir Poutine n'est pratiquement jamais prononcé, Red Sparrow est surtout un véhicule pour montrer que Jennifer Lawrence est capable de jouer autre chose. Tant mieux pour l'interprète, convaincante et convaincue, mais elle aurait eu besoin d'un film plus mémorable pour qu'on se rappelle justement plus longtemps de sa performance. Pour les amateurs d'oiseaux et d'espions, il ne s'est toujours rien fait de mieux que le culte Three Days of the Condor.