Denzel Washington est un des plus grands acteurs de sa génération, ayant joué dans une quantité de longs métrages formidables. Mais ce qu'il n'avait jamais fait auparavant, c'est de participer à la suite d'un de ses propres films. Un beau principe qu'il vient de renier avec The Equalizer 2. Grand mal lui en a pris!
Déjà qu'à la base, le premier The Equalizer, qui a pris l'affiche en 2014 et qui s'inspirait très librement d'une série télé des années 80, n'a pas laissé de souvenir impérissable. Il s'agissait d'une énième production sur un justicier solitaire qui n'hésitait pas à prendre les armes pour faire respecter son propre code moral. Un ersatz de ce que Charles Bronson faisait des décennies plus tôt.
Eh bien, le second épisode a le mérite de faire passer son prédécesseur pour un modèle du genre! En plus d'être une simple copie carbone, ce nouveau tome accentue ses faiblesses. La moitié de l'intrigue, totalement inutile, n'est qu'un prétexte pour montrer notre héros secourir des enfants, prendre soin des femmes maltraitées, prêter l'oreille à des vieillards et servir de modèle à des adolescents (dont Ashton Sanders, découvert dans Moonlight). Ce qu'il est gentil, notre ancien espion à la retraite! Ces traits de caractère (sa psychologie, selon certains), on les connaissait déjà du tome antérieur. Alors, pourquoi les répéter sans jamais rien approfondir?
Au travers de tout ça émanent quelques bribes de la véritable histoire, toujours la même, sur le passé qui revient hanter - c'est sans doute normal lorsqu'on lit le classique À la recherche du temps perdu de Proust - et dont devra s'affranchir une bonne fois pour toutes notre protagoniste. C'est là qu'en temps normal, l'intérêt émane. Or, nous ne sommes pas en temps normal. Il n'y a pas de personnages intéressants à se mettre sous la dent, encore moins de méchants mémorables comme Marton Csokas de la précédente mouture. Les rares sont tués ou éclipsés (pauvre Bill Pullman!) sans raison. Comme d'habitude, Denzel Washington assure avec son charisme légendaire. Sauf que l'être qu'il incarne, une sorte de Batman sans déguisement, mériterait un film à sa mesure et non ce ramassis de clichés et de lieux communs.
Tout ce qui semble intéresser le cinéaste Antoine Fuqua, de retour derrière la caméra, c'est les scènes d'action, toujours aussi stylisées. Bien que la technique n'ait pas évolué d'un iota (le justicier semble posséder trois coups d'avance sur ses opposants en visualisant ce qui va se passer... eh oui, comme dans les Sherlock Holmes de Guy Ritchie), le résultat ne déçoit guère. Une ballade en taxi surprend par son impact, la fouille d'un appartement fait battre le coeur plus rapidement et Melissa Leo n'aura aucun autre choix que de faire couler le sang. Étrangement, les instants les plus satisfaisants, les plus jouissifs sur le plan du gore déçoivent par leur rareté, leur manque «d'impact». Le précédent long métrage ne pouvait être vu que par un public de plus de 16 ans et celui-ci, de 13 ans. Grosse différence au niveau du plaisir rencontré!
Le spectaculaire affrontement final permet au récit de s'échapper de son moule formaté et de faire rêver sur ce qu'aurait pu être cette oeuvre si elle avait adopté cette fougue du début à la fin. Dans un lieu symbolique pour le gentil et le méchant, le temps se déchaîne, métaphore de leurs sentiments. Les éléments pèsent sur leurs corps et leurs âmes, la pluie les embrouille et la violence peut enfin éclater au grand jour. Une séquence digne d'un western, plus brillante que l'entièreté du précédent et décevant remake The Magnificent Seven de Fuqua, qui permet au héros de botter des culs comme jamais. L'apothéose inespérée d'une production bien oubliable, avant de revenir sur le plancher des vaches avec un épilogue dégoulinant de bons sentiments.
Pourquoi de tous ses films, Denzel Washington a répondu présent à une suite de The Equalizer? Sans doute que cela aurait été plus difficile pour Malcolm X, The Hurricane ou Training Day, mais quelle claque aurait pris le cinéphile! Il a joué sécuritaire dans son désir de créer une franchise, un mot qui semble à la mode ces temps-ci. The Equalizer 2 n'a toutefois rien à voir avec John Wick 2 ou The Raid 2, n'élevant jamais les enjeux ou la qualité, bien au contraire. Peut-être que le troisième épisode y arrivera, à condition de rebrasser un peu les cartes.