« Ce sont les personnes qu'on ne croit capables de rien qui font des choses que personne n'aurait pu imaginer. »
Comme c'était aussi le cas avec Argo (qui, rappelons-le, a remporté l'Oscar du meilleur film en 2013), The Imitation Game est inspiré d'une histoire vraie qui a été classée secret d'État pendant 50 ans. Avouons-le, ces récits fantastiques, presque inconcevables, sont d'autant plus intéressants sachant qu'ils sont véridiques. Il y a quelque chose de poignant dans le fait de savoir que ce mathématicien antisocial homosexuel, qui a permis aux alliés de déchiffrer les messages que s'envoyaient les Allemands au cours de la Seconde Guerre mondiale, a vraiment existé. Évidemment, on comprend que certains éléments ne sont que pures fictions, mais il est ici aisé de croire que la plupart sont avérés.
Dès les premières secondes, un narrateur nous prend par la main et nous parle de l'histoire qu'il s'apprête à nous raconter. Cette technique peut paraître maternante et dépassée, mais elle est si bien exécutée qu'on ne peut faire autrement que de l'écouter. Le narrateur intradiégétique arrive, dès le départ, à nous assujettir et à nous intriguer suffisamment pour que la suite nous intéresse. S'en suivent de vrais enregistrements émis par les radios lorsque la guerre a officiellement été déclarée en Grande-Bretagne; un autre détail qui pique notre curiosité et enrichit ce sentiment de promiscuité.
Le montage, entre les séquences passées et présentes, est très efficace. Il arrive qu'on se perde sur la ligne du temps, alors que certaines péripéties sont moins bien définies temporellement que d'autres, mais le sens global n'en est pas affecté. Une autre qualité importante de The Imitation Game est qu'il ne tente pas vainement de nous enfoncer des morales bidon au fond de la gorge. Bien que cette phrase sur le génie citée plus haut est répétée à trois reprises dans le film, nous n'avons pas l'impression d'être manipulés par une sentimentalité désuète et une fausse mansuétude. Les scénaristes auraient pu décider d'insister davantage sur l'intolérance du peuple anglais de cette époque face à l'homosexualité, mais ils ont décidé de se concentrer sur l'histoire (celle avec un petit «h» et celle avec un grand «H»), une décision payante, tant au plan narratif qu'affectif. Ils semblent avoir compris qu'il est inutile d'être larmoyant, il suffit d'être juste.
Évidemment, The Imitation Game n'aurait probablement pas été aussi juste sans la prestation remarquable de Benedict Cumberbatch. Cet acteur en pleine ascension à Hollywood depuis les dernières années livre ici une performance plus grande que nature. Avec son léger bégaiement, ses mimiques discrètes, sa posture, l'acteur habite son personnage et nous entraîne complètement dans cette histoire, nous empêchant du même coup de trop chercher à distinguer le vrai du faux.
The Imitation Game s'interroge aussi sur les ordinateurs, les machines, et sur la pensée, humaine et numérique. Chacune des thématiques est bien intégrée au récit et nous laisse quelque chose à mijoter à notre retour à la maison. Un film accessible, intelligent, qui engendre une réflexion profonde et qui nous dévoile une part importante de l'histoire. Ça sent l'Oscar... (ou du moins la nomination).