Qui ne voudra pas se saucer dans Le grand bain pour oublier sa grisaille quotidienne?
Surtout qu'il s'agit d'une comédie rassembleuse de bonne qualité, qui a déjà attiré son lot de spectateurs en France. Une sorte de Full Monty existentiel qui célèbre le collectif, soigne les plaies de la masculinité et se veut un antidote à la solitude ambiante.
Pour sa première réalisation en solo, le populaire comédien Gilles Lellouche a eu la main heureuse, réunissant une distribution cinq étoiles - qui comprend Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Philippe Katerine et Jean-Hugues Anglade - au sein d'un film choral qui mélange légèreté et gravité. Les différents destins se croisent dans la piscine, alors que les personnages fuient le monde extérieur en s'investissant dans une équipe de natation synchronisée masculine. Ce qui ne devait être qu'un simple passe-temps devient tout un défi alors que le groupe décide de prendre part à une compétition internationale.
Le long métrage démarre sur des chapeaux de roues à l'aide d'une jolie introduction qui donne rapidement le ton. L'humour verbal triomphera et fera sourire abondamment, tout en développant une réflexion mélancolique sur le temps qui passe, les rêves brisés et ceux qui sont imposés. Des thèmes traités avec attention au détour d'un scénario cohérent, sans doute trop fabriqué et appuyé, mais sensible et amusant, qui distille les clichés en évitant de boire la tasse.
Cela se gâche quelque peu dans la seconde partie alors que l'ensemble se mute de plus en plus en film sportif classique, avec ses lieux communs et ses morales à la tonne. Les gags si frais commencent à sentir le réchauffé (un ralenti sur la mythique musique que Vangelis a utilisé sur Chariots of Fire, c'est un peu facile) pendant que les longueurs se font ressentir. Puis il y a cette finale, douteuse et sirupeuse, où il faut pratiquement la victoire pour obtenir le respect de son entourage... De quoi préférer largement les petites histoires de chacun à la grande histoire en place.
La principale limite de l'effort est de s'inscrire dans un genre codifié : le feel-good movie thérapeutique comme Intouchables et La famille Bélier avant lui. Des oeuvres entre deux eaux passant de la rigolade à la tendresse, pleinement accessibles et qui font du bien, mais qui ne sont jamais explorées en profondeur et qui perdent rapidement de leur étoffe. Le grand brain est peut-être plus sombre dans son premier tronçon, le résultat demeure le même.
Cela n'empêche pas le cinéaste d'aller à la pêche et de miser sur le rire et l'émotion : des hameçons qu'il maîtrise avec doigté et qu'il enrobe dans une mise en scène soignée et colorée, dont l'esthétisme symétrique rappelle celui de Wes Anderson.
Les excellents acteurs s'occupent du reste. Comme il y en a plusieurs, on en préférera certains plus que d'autres (vive le chanteur Katerine!), ce qui est tout à fait normal. Mais ils forment un clan tissé serré qui est beau à voir aller. Dommage que dans l'équipe de natation, les seuls personnages qui demeurent au stade de figurants nullement développés sont les stéréotypes usuels : le mec qui fait légèrement de l'embonpoint et le Noir qui ne parle même pas français... Au moins il y a des personnages féminins forts (campés par les toujours solides Virginie Efira, Marina Foïs, Leïla Bekhti et Noée Abita) pour remettre la monnaie de leur pièce à ces hommes fragilisés, tout en les aidant et les aimant au passage.
Le grand bain ratisse large, ne manquant surtout pas de charme, d'empathie et de répliques hilarantes. C'est facile de l'apprécier pour sa générosité, quoique sa facilité empêchera d'y adhérer complètement. Mais pour célébrer l'air du temps et trouver le réconfort salutaire, il y a bien pire que cette mixture tonique et vivifiante à souhait.