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L'envers des réseaux sociaux.
Jan Komasa serait-il en passe de devenir le meilleur réalisateur polonais en activité tout autant que le fer de lance d’une cinématographie qui se faisait rare sur les écrans par le passé? En tout cas, après le déjà excellent « La Communion » (« Corpus Christi » en version internationale) qui lui avait valu une nomination à l’Oscar du meilleur film étranger, le revoilà avec un nouveau film, pour Netflix cette fois, tout aussi saisissant et passionnant. Après le conservatisme et la religion dans son pays, il amène cette fois le genre du thriller au sein de la politique et des nationalismes tout en nous montrant l’envers du décor et les aspects nauséabonds des réseaux sociaux. Vaste et ambitieux programme avec ce « The Hater, le goût de la haine » dont le cinéaste s’acquitte admirablement avec ce suspense magistral et implacable qui prend le pouls d’un pays et d’une époque de la plus horrible des manières.
Il y a également un aspect social puisque le personnage principal déborde de frustration dès sa présentation à cause de ses origines modestes et le fait qu’il vient d’être viré de son école de droit pour plagiait. Alors qu’il rêve de devenir respecté, riche et surtout côtoyer les puissants de Varsovie, dont la fille qu’il aime depuis l’adolescence. L’ascenseur social va donc tomber en panne pour Tomek et l’engrenage de haine va se lancer lorsqu’il va se faire embaucher dans une boite de communication spécialisée dans les campagnes de dénigrement sur les réseaux sociaux. Le scénario est méticuleux et diaboliquement imprévisible, sa mécanique bien huilée va pousser ce personnage plein de rancœur vers des extrêmes et le point de non-retour. Les plus de deux heures de ce ballet de manigances et de manipulations sont captivantes et nous amènent de surprise en surprise. Le seul hic restera l’insertion de passages animés via un jeu en ligne pour amener l’une des ramifications du script. La raison se vaut mais cela dénote visuellement avec le reste de « The Hater, le goût de la haine ». C’est peut-être la seule petite faute de goût d’une œuvre forte et imposante menée de main de maître par son auteur. Un film qui nous captive aussi bien sur le pan du suspense que sur celui de l’analyse piquante de nos sociétés actuelles, entre réseaux sociaux dangereux et populismes menaçants.
Komasa peut compter sur l’interprétation impressionnante de froideur de son acteur principal, Masiej Musialowski. Détestable et agaçant, il est le parfait monstre social que l’on pourrait croiser partout. Grâce à lui, le long-métrage met en exergue avec précision l’un des aspects les moins connus et les plus négatifs des réseaux sociaux ainsi que son impact néfaste sur nos vies et sociétés. En montrant un peu le métier de modérateur (d’ailleurs pas assez) et comment des entreprises sont payées pour créer de faux comptes, inventer et propager des fake news ou encore détruire des réputations, on en reste sidéré. Komasa montre aussi le danger frontal que représente les extrêmes qui ont le vent en poupe en Pologne. La rhétorique du script est parfaitement huilée, la mise en scène froide et au cordeau colle parfaitement au propos et quand vient le dernier acte, l’effroi s’installe. C’est sans compter sur une conclusion délicieusement amorale et originale au possible, chacun des séquences qui la constituant faisant froid dans le dos. Un grand et très important film à ne pas louper.
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