Le maître de l'animation Hayao Miyazaki sort de sa retraite pour Le garçon et le héron, une oeuvre somme d'une puissance inestimable qui a bénéficié de nombreuses années de travail.
L'existence et le septième art seraient beaucoup moins beaux sans Hayao Miyazaki, le père de Princesse Mononoké qui, du haut de ses 82 ans, n'a toujours pas dit son dernier mot. Au contraire, il met toute sa sagesse au profit d'un ultime classique d'une maturité sans nom.
Avec son nouvel opus qui est basé à la fois sur ses souvenirs de jeunesse et le roman Et vous, comment vivrez-vous? de Genzaburô Yoshino, le créateur du fabuleux Nausicaä déroule l'action dans la continuité de son précédent Le vent se lève. La Deuxième Guerre mondiale fait rage et maman est morte. Son fils adolescent Mahito (Sôma Santoki) habite dorénavant la campagne et il a de la difficulté à s'adapter à son environnement. Lorsque sa nouvelle belle-mère disparaît, il peut compter sur un oiseau qui parle et plusieurs grands-mères - les mêmes que dans Ponyo? - pour la retrouver.
Cette entrée en matière qui prend tout son temps permet de camper avec moult détails les personnages, de comprendre leurs fêlures et de palper leur âme. Le réalisme magique et le ton mélancolique ne sont pas sans rappeler Mon voisin Totoro, quoiqu'une menace plane à l'horizon. Elle prend la forme d'un héron cendré particulièrement menaçant qui sera tour à tour ennemi et allié du héros, l'obligeant à prendre part à une aventure qui dépasse l'entendement.
Dès que Mahito imite Alice et franchit le miroir, il est plongé dans une odyssée spirituelle qui évoque à la fois Le voyage de Chihiro et 2001: A Space Odyssey. Une quête fabuleuse qui reprend les préoccupations du cinéaste (son regard animisme, les liens avec la nature, la difficulté de choisir la paix au détriment de la guerre) en l'enrichissant des réflexions émouvantes d'un vieil homme en fin de vie qui demeure malgré tout optimiste face à la mort et la suite du monde.
Ce voyage foisonnant qui rompt allègrement les frontières du temps et de l'espace en se déroulant à la fois dans le passé et le monde des rêves est peuplé d'oiseaux terrifiants, de boules blanches trop mignonnes et d'une entité de feu qui semble s'être échappée du Château ambulant. L'imagination est au pouvoir et rien ne peut l'arrêter.
Le récit déroutant pourrait paraître complexe et touffu. Il faut seulement se laisser porter par la poésie et la grâce de la proposition en laissant l'analyse aux visionnements subséquents. Car ce récit d'initiation d'un adolescent qui doit regarder la mort en face et accepter le deuil de sa mère est également celui de la Terre plongée en plein chaos qui doit apprendre à vivre autrement.
Fidèle à ses habitues, l'homme derrière Kiki la petite sorcière et Porco Rosso offre une animation fluide et somptueuse, riche de milliers de détails. Le graphisme à l'ancienne ne manque pas de charme, et les images à couper le souffle se succèdent au tournant.
La splendide bande sonore de Joe Hisaishi fait également des merveilles, élevant les situations en titillant l'émotion. Sa musique est utilisée différemment que sur les précédentes toiles animées de l'inventeur du Château dans le ciel, créant des ambiances insoupçonnées.
En synthétisant son art, Hayao Miyazaki propose avec Le garçon et le héron un bouleversant film testament d'une richesse et d'une ampleur démesurée, que l'on voudra voir de nombreuses fois afin d'en saisir toutes les subtilités. Pourquoi ne pas s'y perdre afin de voir l'existence autrement?