Les coproductions entre différents pays existent souvent pour des raisons mercantiles et glamours, alors qu'on embauche une vedette étrangère pour la transplanter dans un film. Ce n'est pas le cas du Fils de Jean, le nouveau long métrage d'un cinéaste français accompli qui se déroule au Québec. On sent un véritable échange artistique, une vraie création collégiale.
Librement adaptée d'un roman de Jean-Paul Dubois, cette histoire douce-amère met en scène un Français (Pierre Deladonchamps) qui apprend que son père biologique est Québécois et qu'il vient de rendre l'âme. Il décide alors de se rendre dans la Belle Province pour l'enterrement où il noue une amitié avec le meilleur ami (Gabriel Arcand) du défunt.
Rappelant le délicieux Congorama de Philippe Falardeau en moins ludique, Le fils de Jean est un drame intimiste à fleur de peau comme se spécialise le metteur en scène Philippe Lioret depuis plus de deux décennies. Un des premiers réalisateurs à parler de la crise des migrants au 21e siècle avec son excellent Welcome, l'homme possède une sensibilité enivrante et particulière, qui faisait tout le charme de L'équipier, Mademoiselle et Tenue correcte exigée. Elle est intacte dans ce récit éminemment personnel où il arrive littéralement à recréer une famille de constitution à un étranger.
S'il y a quelques égarements narratifs au menu (par exemple lors de la symbolique expédition en nature où le héros fait la rencontre de ses deux demi-frères antipathiques qui vivent des problèmes égoïstes), le coeur de l'ouvrage réside dans la relation entre le visiteur et son père de remplacement. Découvert dans le troublant L'inconnu du lac d'Alain Guiraudie, Pierre Deladonchamps insuffle un calme tranquille à son personnage. Il est l'eau qui dort devant le feu qui gronde à l'intérieur de Gabriel Arcand qui trouve une partition pas très éloignée de celle du Démantèlement. Un duo singulier, alimenté toute en délicatesse par la contribution de Catherine de Léan, Marie-Thérèse Fortin, Pierre-Yves Cardinal et Patrick Hivon.
Le film ne possède toutefois pas la subtilité des meilleurs efforts du cinéaste. Comme son précédent Toutes nos envies, Le fils de Jean vient souvent souligner ce qui se passe déjà à l'écran. Les dialogues sont parfois trop écrits, manquant de naturel aux moments importants. Le ton tend également à être moralisateur avec ce patriarche de substitution qui rappelle sans cesse comment il est important de profiter du temps que l'on a et de faire un métier qu'on aime. Merci des messages!
Les admirateurs du cinéma de Philippe Lioret noteront qu'il s'agit pratiquement d'une copie de son puissant Je vais bien, ne t'en fais pas, le long métrage de 2004 qui trône encore à ce jour au sommet de sa filmographie. La construction de l'histoire n'est pas très éloignée, le rôle du mensonge possède le même impact, les personnages se ressemblent énormément dans leurs non-dits, la musique émotive est utilisée de façon similaire et la finale tristounette fait appel aux mêmes cordes sensibles. Dommage que le tout ait déjà été vécu auparavant, avec son lot de pleurs qui n'existent malheureusement plus ici.
Oeuvre sincère sur la famille, la paternité et le temps qui passe, Le fils de Jean réconforte en cette période de l'année. Lourd et empesé par endroit, le film est porté par de très bons interprètes qui font presque oublier cette sensation de déjà-vu. Une histoire simple, humaine et sans violence pour « renouer avec les vraies affaires ».