The King's Speech est un film tout à fait conventionnel. Il n'est audacieux d'aucune manière et sa réalisation, plus que commune, est à peine plus inventive que son récit, qui a au moins la qualité de s'attarder à une période de l'Histoire relativement oubliée, même si ce récit se trame alors que le monde est à l'aube d'une période de grands bouleversements. En ces circonstances, il est assez incongru qu'on puisse s'intéresser - « qu'on puisse rendre intéressant » serait une formulation plus juste - aux troubles d'élocution d'un duc - et futur roi d'Angleterre. Parce que The King's Speech - même s'il est un peu trop long - est intéressant.
Le deuxième fils du roi George V, Albert, souffre d'un grave problème de bégaiement, qui le rend incapable de s'adresser à une foule. Même s'il a rencontré de nombreux spécialistes qui lui ont prodigué tous les conseils imaginables, son problème ne se règle pas. Lorsqu'il fait la rencontre de Lionel Logue, un acteur amateur et spécialiste des troubles du langage aux méthodes peu orthodoxes, il est d'abord déstabilisé par son insolence. Mais ses entraînements portent leurs fruits, et Albert améliore sa diction. Lorsque son frère, devenu roi à la mort de leur père, décide d'abandonner ses fonctions pour épouser une femme divorcée, Albert devient le roi George VI, à l'aube de l'entrée en guerre de l'Angleterre contre l'Allemagne.
Ce Albert, ou Bertie, ou Sa Majesté George VI, est un personnage doté d'une forte répartie et d'un grand sens du devoir. Colin Firth lui insuffle toute cette complexité, cette rigueur britannique. Cet air altier du monarque confronté à la modernité et à la lourdeur des protocoles, en plus de cette frustration qui le ronge, font de ce personnage un sujet d'étude fascinant, qui est la force de The King's Speech. Une grande partie de l'humour du film - qui est étonnamment drôle, d'ailleurs - est basé sur le décorum qui entoure la présence d'un membre de la famille royale et l'insolence de Logue. Cela éloigne malheureusement le film de son noeud principal, de ce qui en faisait une oeuvre un peu originale : le bégaiement du roi. Tout le reste, c'est-à-dire ce qui se passe à l'extérieur du cabinet de Logue, est assez inutile ou vise simplement à faire plaisir aux spectateurs anglais (comme montrer la petite fille intelligente et enjouée qui deviendra Elisabeth II).
Mais à l'intérieur du cabinet, les méthodes proposées par Logue sont souvent inventives et efficaces, en plus d'être divertissantes. C'est la rencontre des comédiens qui est la plus impressionnante, cependant. Firth est un acteur brillant, l'un des plus efficaces de sa génération, qui est capable de tout jouer (sa désarmante performance dans A Single Man nous émeut toujours), alors que Geoffrey Rush, talentueux lui aussi, propose un Logue bien-intentionné et déterminé. Les deux acteurs, à leur meilleur lorsqu'ils se donnent la réplique (autrement, on vogue parfois vers la surenchère), sont particulièrement efficaces.
On ne peut en dire autant de la réalisation anonyme de Tom Hopper, tellement maniérée qu'elle gâche parfois la solennité des moments importants de l'Histoire que vit le Roi. C'est qu'on fait un grand cas d'un discours à la nation qu'il doit prononcer, alors que son impact dramatique - autant à l'intérieur du film que dans l'Histoire - est très mineur. La petite victoire d'un homme comme source d'inspiration pour la nation? C'est un peu court. Le film, lui, souffre de quelques longueurs, qui diminuent encore son impact. Mais The King's Speech est « intéressant ».