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Mise en abîme gigognes.
Quentin Dupieux semble être au cinéma d’auteur français décalé ce qu’un grand cru est au nectar des Dieux : il se bonifie avec le temps. Car s’il faut avouer que ces œuvres ont toujours creusé un chemin unique, très original et reconnu dans la production cinématographique de nos contrées au point que tout le gratin du septième art tricolore se bouscule à sa porte, il tourne beaucoup et parfois la qualité s’en ressentait. Bon nombre de ses films passés étaient purement conceptuels dans l’absurde et le loufoque mais tournaient vite à vide une fois la surprise passée et son cinéma commençait à devenir presque une recette avec des hauts et des bas. Avec son avant-dernier opus « Yannick » il avait opéré un tournant pour une œuvre plus accessible mais peut-être aussi plus mature et pas moins intelligente pour autant qui amorçait ainsi un tournant prometteur. Et si on passe outre un « Dali » plus hermétique et moins convaincant, il continue sur cette lancée avec « Le deuxième acte » qui constitue son meilleur film, en tout cas le plus abouti et malin. Moins tordu mais pas moins étrange et inédit dans le paysage cinématographique, cette œuvre toujours aussi courte en durée (une heure et quinze minutes) est un régal méta bien fait qui croque le cinéma et ses acteurs à pleines dents dans une sorte de multiples mises en abyme gigognes superbement écrites et délicieuses à savourer. Certes, son film parlera peut-être plus aux cinéphiles, à ceux qui s’intéressent au cinéma et à ceux qui le font, mais ce drôle de truc au sous-texte riche et plein de chausse-trappes scénaristiques est un véritable régal pour l’intellect entre dérision, satire et discours sur le métier.
Le film est en plein dans l’air du temps et questionne autant notre société que le cinéma lui-même. Et par là-même, l’effet miroir entre la fiction et la réalité. On parle ici des acteurs capricieux, de la liberté d’expression, de la cancel culture, du wokisme, de l’apparition de l’IA au cinéma (en référence aux grèves hollywoodiennes sur le sujet), des copinages entre stars, de la pseudo bien-pensance, des parvenus ou encore des jalousies entre stars. Cela peut sembler beaucoup pour un film si court mais c’est tellement limpide et concis dans chaque petit coup de griffe que cela frôle la perfection satirique. On sent que Dupieux connaît bien le milieu désormais et il s’en donne à cœur joie avec des acteurs complices qui semblent vraiment contents d’être là. Un quatuor étonnant et détonnant qui tourne pour la première fois avec le cinéaste - et cela change un peu de son cercle d’habitués - auquel on ajoute l’inconnu et excellent Manuel Guillot. La dérision semble sincère car leurs personnages semblent avoir des facettes de ce que le public perçoit d’eux et on jubile. Surtout que les plans-séquence sont longs et qu’il doit y avoir un part d’improvisation pour un régal de dialogues et de répliques qui nous font aussi bien rire que saliver par ce qu’ils semblent dire. Mais l’ancien Mister Oizo n’en oublie pas pour autant la mise en scène avec des travellings très longs et quelques effets bienvenus. Alors certes, tout cela est très bavard et quelques petits coups de mous sont là mais « Le deuxième acte » est une proposition de cinéma aussi radicale que géniale et confirme l’importance du cinéma de Dupieux qui semble muer et nous régaler encore plus!
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