Dans le générique final de Viceroy's House, une note inscrite à l'écran explique que l'histoire que l'on vient de voir et surtout le destin d'un de ses personnages sont inspirés de la grand-mère de la cinéaste. C'est le seul réel moment d'émotions qui transcende ce film qui, ironiquement, aurait pu être réalisé par n'importe qui tant on ne sent jamais une quelconque présence derrière la caméra.
Le récit se déroule en 1947, alors que le dernier vice-roi britannique (Hugh Bonneville, qui semble regretter Paddington) s'apprête à redonner le pouvoir à l'Inde pour qu'elle entame son indépendance. Tout ne se passera évidemment pas comme prévu.
Les jeux de coulisses occupent la moitié de l'ouvrage, particulièrement verbeux et démonstratif. Les gens passent leur temps à se manipuler et quiconque suit la politique verra dépasser les larges ficelles de l'intrigue. Il y a des bons d'un côté comme Gandhi et l'épouse du vice-roi (Gillian Anderson, qui depuis le sublime The House of Mirth endosse royalement le costume d'époque), les méchants de l'autre puis ceux qui se font flouer au centre. Des stéréotypes qui sont abordés de façon superficielle. L'effort ressemble parfois à une série télé en six épisodes qui aurait été scindée en un long métrage de moins de deux heures. Cela donne des enjeux simplistes, sommaires et didactiques. Pourtant trois scénaristes se sont appliqués à partir de deux livres.
Il y a eu de nombreuses grandes fresques sur la Partition (la scission de l'Inde pour donner le Pakistan), dont la trilogie des années 60 de Ritwik Ghatak qui savait conjuguer la grande et la petite histoire. Viceroy's House tente sa chance et la rate lamentablement. La joute politique, sociale et économique s'inscrit dans l'ère du temps - la vague mondiale de migrants - sans rien y apporter en retour. Puis il y a cette romance impossible façon Roméo et Juliette entre deux jeunes gens issus de religions différentes. Leur amour survivra-t-il à la séparation de leur pays? Malgré le talent de leurs interprètes Manish Dayal (la révélation de The Hundred-Foot Journey) et Huma Qureshi (vue dans l'inoubliable Gangs of Wasseypur), l'ennui distille leur relation.
Ce n'est toutefois rien face au travail inexistant de mise en scène. Le spectateur a trop souvent l'impression de regarder des photographies poussiéreuses et anonymes. C'est figé, inexpressif et indolent. Les plans académiques se succèdent au tournant et le montage classique ne tente même pas de tirer profit de la trame sonore du grand A.R. Rahman. Mis à part le sympathique Bend It Like Beckham il y a 15 ans, la cinéaste Gurinder Chadha n'a pratiquement que des prises à son dossier et elle en rajoute une nouvelle.
Sans doute que Viceroy's House aurait été plus intéressant sous la forme du documentaire. En mode fiction, le film ne sait pas toujours sur quel pied danser et il finit par se casser la margoulette à force de faire le grand écart entre l'intime et le global.