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Poème envoûtant par intermittence.
Lorsque le film débute, notamment lors de ses dix premières minutes inaugurales, on sait que l’on va assister à quelque chose de visuellement très beau. Dès la première séquence, qui voit une petite fille noire fixer avec incrédulité un homme engoncé dans une combinaison antiatomique en train de nettoyer le front de mer de son quartier, il règne un parfum de poésie et d’originalité qui ne se démentira pas durant les deux heures du long-métrage. Joe Talbot, dont c’est le premier film, instaure sa patte d’auteur en quelques plans magnifiques. Entre plans-séquence aériens, travellings méticuleux, superbes vues sur San Francisco et la très belle partition d’Emile Mosseri qui n’est pas sans rappeler celle de Philip Glass pour « The Hours », on est conquis et on se délecte de voir quelque chose de beau et de différent. Surtout que la fluidité de la mise en scène et le travail sur chacun des plans ne sont en rien ostentatoires mais nourrissent la poésie du récit.
De poésie (et d’art même avec le théâtre également), il en sera fortement question dans « The last black man in San Francisco »). Il s’en dégage constamment des élans au travers de plans merveilleux ou de certaines séquences aux envolées lyriques d’une puissance rare comme lorsque cet itinérant entonne le mythique « San Francisco » de Scott McKenzie à cappella. Si le film se rêve en fresque sociale sur la gentrification de la ville et la séparation toujours prégnante entre noirs et blancs, le message est parfois un peu sibyllin et on y voit surtout une déclaration d’amour à cette légendaire cité californienne, et surtout à ses coins moins touristiques et donc moins connus et moins montrés au cinéma tels que les collines de Twin Peaks ou le quartier de Filmore. En revanche, on aurait aimé que cette poésie nous emporte tout au long du film, comme elle le fait dans les premières séquences. Or elle nous parvient par bribes, en pointillés, certaines parties plus faibles nous plongeant dans une certaine torpeur.
En effet, il y a un peu trop de non-dits dans la caractérisation des personnages et dans leurs motivations qui nous font parfois un peu décrocher, et la durée du film assortie à des scènes parfois répétitives et/ou inutiles lui sont préjudiciables. C’est dommage car « The last black man in San Francisco » avait tout pour devenir la petite pépite culte en plus de révéler un auteur doué et un réalisateur à la patte singulière. Et comme souvent, si certaines scènes à caractère onirique ou iconoclaste fonctionnent (comme cet homme nu à l’arrêt de bus), d’autres beaucoup moins (la scène de théâtre qui dénote et sonne faux). Et l’émotion est parfois bizarrement contenue alors qu’elle devrait exploser. Ces menus défauts empêchent peut-être le film d’être la perle qu’il aurait pu être mais ne lui enlèvent en rien le fait d’être admirablement différent et sporadiquement envoûtant. Rien que par le pouvoir de ces belles images enchanteresses.
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