La plupart des films ont un point fort, une qualité principale qui leur confère un intérêt social - ou au moins sociologique - particulier. Pour certains, il s'agit des effets spéciaux (l'intérêt social en souffre alors grandement), du nom d'une grosse vedette ou d'un sujet chaud qui est d'actualité. Dans le cas de Démineur, il s'agit bien sûr du conflit irakien, guerre félonne qui divise encore les Américains. Mais la véritable richesse du film, sa qualité première, est plutôt son personnage principal, un être complexe qui, sur le champ de bataille, est un être épanoui et confiant, mais qui est pourtant un individu blessé. Dommage qu'au-delà de cette fascinante complexité psychologique, assez rare tout de même dans le cinéma de guerre américain, presque rien, dans Démineur, ne justifie une attention particulière. Quelques inspirations ponctuelles ne trouvent jamais d'écho suffisant, tandis que le récit, brillamment amorcé, se développe dans la mièvrerie.
Le Sergent William James, un spécialiste des bombes artisanales, doit remplacer au sein de l'unité Bravo un chef d'équipe fort apprécié par ses collègues Eldridge et Sanborn. Face à l'insouciance de James et les nombreux risques inconsidérés qu'il prend, l'équipe a d'abord de la difficulté à se souder, mais lorsque les trois hommes sont confrontés aux dangers du champ de bataille, leur unité est fortement mise à l'épreuve.
Les notions de leadership et de sacrifice sont au centre de leur quête, plus humaine que belliqueuse. Il s'agit de la Guerre d'Irak parce qu'il faut bien placer cette histoire quelque part, mais cela pourrait être une toute autre guerre, même fictive, tellement il s'agit d'un film d'humains, riches et complexes par surcroît. Dommage qu'on s'adonne à la sentimentalité avec d'incongrus clins d'oeil à une éventuelle famille laissée derrière, une femme et un enfant abandonnés, pour faire pleurer un peu les gens qui ont encore des sentiments.
Démineur est un film dont le commentaire éditorial demeure relativement subtil. Il n'y a pas, pour une fois, que des bons et des méchants (Américains = bons, Irakiens = méchants), et on préfère complexifier les choses plutôt que l'inverse. Il ne s'agit donc pas de commenter la guerre, d'en faire une bataille politique, mais plutôt d'y faire vivre des personnages de la même manière que l'a toujours fait le cinéma : en les soumettant aux pires épreuves. L'acuité de la première partie du film est en ce sens une grande réussite.
La réalisatrice Kathryn Begelow a bien quelques moments inspirés, dont de divins ralentis sous-utilisés, mais sa facture visuelle, aux quelques touches « caméra à l'épaule » assez prévisibles, n'est pas à la hauteur de ces fascinants personnages qui évoluent littéralement sous l'oeil intransigeant de la caméra. On en vient presque à s'en désintéresser involontairement tellement certains prennent des décisions absurdes et dangereuses qui ne s'expliquent tout simplement pas dans la deuxième partie du film, bien plus faible que la première et bien trop longue. Les comédiens sont cependant tous excellents.
Démineur a tout de même le mérite de s'écarter de la plupart des clichés du film de guerre et de miser sur des personnages bourrés de potentiel. Certaines scènes d'action, les plus réalistes, sont tout simplement enlevantes et d'une grande efficacité. Mais une trop grande envie de conformisme, peut-être une envie de rejoindre un public plus large, aura fait dévier le film de son objectif primaire et l'aura rendu moins efficace.