Adapter les écrits de Stephen King n'est jamais une sinécure. Pour une transposition réussie comme Carrie et It, il y en a des dizaines qui sont ratées (Firestarter, The Dark Tower, Dreamcatcher et la liste est longue). Où se situe exactement The Boogeyman, qui s'inspire de sa terrifiante nouvelle de 1973?
La mort de maman plane sur cette création. C'est elle qui empêche un père (Chris Messina) et ses deux filles (Sophie Thatcher, Vivien Lyra Blair) de fonctionner correctement. Si en plus une entité qui se terre dans la noirceur commence à les harceler, rien ne va plus.
Le récit reprend des concepts familiers du film d'épouvante. La perte, la souffrance, la rage et le deuil deviennent la métaphore de ce mal qui gruge les êtres et qui se matérialise dans le monde réel. Rien d'inédit ou de transcendant au menu, surtout à côté d'une production similaire et largement supérieure comme The Babadook de Jennifer Kent.
Le long métrage retourne aux fondements de l'horreur. À cette peur du noir et à l'importance du hors champ. Elle prend tout son sens lors de l'inquiétante introduction qui rappelle l'imaginatif Skinamarink de Kyle Edward Ball. Un enfant est en danger et le maléfique croque-mitaine s'amuse avec sa proie. Frissons garantis!
Le reste de l'ouvrage n'est pas du même calibre. L'équilibre entre le suspense et l'horreur est beaucoup trop précaire, ne fonctionnant qu'avec parcimonie, étant défaillant plus souvent qu'autrement. Lorsque la tension fait son apparition, cela se termine par un sursaut gratuit sans conséquence. Puis quand il y a une réelle charge dramatique et émotionnelle, le corps ne réagit ni par un sentiment d'effroi ou de rire, car ce qui est montré a déjà été vu de nombreuses fois. C'est le cas, notamment, de la conclusion quelque peu bâclée.
Le scénario sans queue ni tête de Mark Heyman (Black Swan) et du duo formé par Scott Beck et Bryan Woods (qui est capable du meilleur avec A Quiet Place comme du pire avec 65) n'est pas là pour aider. Il cumule les scènes risibles qui empêchent toute évolution psychologique des personnages. Quel psy recourrait à l'obscurité sur une fillette qui a peur du noir? Et quelles amies enfermeraient leur camarade traumatisée dans un placard où quelqu'un s'est suicidé? Ce sont ces écarts de conduite qui gâchent la sauce.
C'est d'autant plus dommage que la réalisation de Rob Savage (auteur du décevant Dashcam et du satisfaisant Host) est compétente, hormis une utilisation musicale appuyée. Et que l'interprétation d'ensemble s'avère convaincante. Sophie Thatcher livre une prestation rigoureuse, aux côtés du thérapeute barbu Chris Messina qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Nanni Moretti dans La chambre du fils (qui est également une histoire de disparition - inoubliable celle-là - qui afflige une famille comme les autres).
Entre trop se coller au matériel source et s'en détourner complètement, il y a des choix qui doivent se faire afin de créer le meilleur film possible. Ce que n'est malheureusement pas The Boogeyman, qui est bien pâle à côté des écrits originaux, et ce, malgré quelques moments plus satisfaisants. L'auteur Stephen King aurait bien aimé le résultat final. Beaucoup plus d'ailleurs que l'illustre Shining de Stanley Kubrick qui demeure, encore à ce jour, possiblement sa meilleure adaptation au cinéma...