La boxe est un sport qui fascine depuis longtemps les cinéastes américains. Peut-être y voit-on le même type de lutte que doivent mener les classes moyenne et pauvre (dont la plupart des boxeurs proviennent, comme c'est encore le cas ici) contre la vie, en cette terre d'opportunités qu'est l'Amérique; c'est souvent soi-même qu'on surpasse pour prévaloir dans un combat. On en a tiré dans le passé toutes sortes de leçons, de métaphores et de morales qu'essaie d'éviter The Fighter. Il s'applique donc à raconter, simplement, l'histoire de Micky Ward, et il y parvient souvent magnifiquement. La vraisemblance des personnages y est pour beaucoup, tout comme la complexité d'un scénario bien senti.
À Lowell, au Massachussetts, Dick Eklund est un véritable héros local. Le réseau HBO tourne même un documentaire sur lui, un ancien boxeur devenu junkie. C'est lui qui entraîne son demi-frère, Micky Ward, pendant que leur mère gère sa carrière de boxeur amateur. Mais suite à un combat particulièrement dévastateur pour Micky, ce dernier envisage de se retier. La rencontre de Charlene, une serveuse pleine d'assurance, va donner à Micky la confiance nécessaire pour reprendre sa carrière en main. Cette nouvelle force intérieure va lui donner la chance de se battre dans un combat de championnat.
Vrai que d'incarner un boxeur dans un film comme celui-ci - et qui prend l'affiche à cette période-ci de l'année - c'est un peu comme demander directement un Oscar, mais Mark Wahlberg, dans un rôle conçu pour le mettre en valeur, profite de l'opportunité pour démontrer la subtilité de son jeu et insuffle à son personnage vraisemblance et puissance. Il trouve auprès de Christian Bale et d'Amy Adams des appuis solides, expérimentés et entièrement dédiés à un scénario qui ne refuse pas aux personnages un peu de complexité. Cela les rend d'autant plus attachants, malgré leurs nombreux défauts.
S'il y a effectivement quelques longueurs, quelques flottements dramatiques - en particulier lorsque la mère envahissante de Ward est impliquée - le film est particulièrement prenant lors de la finale, qui profite grandement du fait que la véritable histoire de Micky Ward n'est pas très bien connue du grand public et qu'on garde presque intacte le résultat du combat final.
Même si elle est compétente, la réalisation de David O. Russell ne se met pas suffisamment au service du récit et ne parvient pas à se faire oublier derrière la force de l'histoire et de l'interprétation. C'est souvent une bonne chose de reconnaître la « signature » d'un réalisateur, mais cette fois-ci, Russell tente d'en faire trop, et son travail est parfois une distraction plutôt qu'un appui. Certaines fioritures, dont l'habillage télévisuel des combats, sont les moments les moins « vrais » de ce film pourtant dédié à la véracité.
The Fighter est tout de même un film de grande qualité, grâce à l'appui de ses comédiens et à la rigueur de son scénario. Le réalisateur y est certainement pour quelque chose, lui qui met en scène une histoire porteuse et signifiante qui, évidemment, ne s'intéresse pas qu'à la boxe. Cette histoire humaine est si efficace parce que les humains qu'elle met en vedette sont crédibles, riches (intérieurement parlant) et qu'on a traité avec respect et curiosité leurs qualités et leurs défauts. Après tout, les cinéastes qui se sont intéressés à la boxe par le passé s'intéressaient avant tout aux êtres humains.