Le coq de St-Victor déstabilise d'abord puisqu'il ressemble à peu de productions d'animation qui ont fait leur apparition sur nos écrans récemment. Le « cartoon » n'est pas une technique fréquemment utilisée par les studios américains, plus à l'aise avec le réalisme de l'animation 3D. Mais ce type de visuel est rafraîchissant. Colorée, dynamique, enjouée, la production québécoise mérite qu'on s'y attarde, malgré quelques failles évidentes.
Un film d'animation comme celui-ci s'adresse manifestement aux enfants, mais certains auront du mal à rester attentifs en raison de la lenteur du récit. L'une des principales thématiques de l'oeuvre est l'oisiveté qui gagne des villageois quand le coq est parti et qu'il ne les réveille plus chaque matin pour qu'ils accomplissent leur devoir pour le bien-être et l'économie de la bourgade. Mais l'oisiveté n'est pas un sujet très énergique, ni très enfantin, ce qui entraîne un alanguissement duquel le film a du mal à se remettre. La deuxième moitié est beaucoup plus dynamique que la première, mais il est déjà trop tard, l'attention des enfants s'est dissoute depuis un bon moment. Même si, ainsi, il néglige son public-cible, le film développe efficacement cette image du farniente d'une population, démontrant ainsi que les villageois sont les seuls responsables de leur banqueroute.
Voilà d'ailleurs un élément intéressant du film. Dans Le coq de St-Victor, il n'y a pas de méchants. On nous propose à quelques reprises des personnages qui pourraient être un vilain de choix, mais on révoque toujours cette proposition en démontrant que les gentils sont simplement imparfaits, et qu'ils ne peuvent accuser personne pour leurs ratages, même pas l'âne censé leur porter bonheur qu'ils ont échangé contre leur coq trop matinal.
Sans en faire son cheval de bataille, on a tenté d'introduire une certaine forme d'humour dans Le coq de St-Victor. Malheureusement, la comédie est inégale, parfois réfléchie, passant par des répliques et des situations, et, parfois plus infantile, se manifestant par des culbutes ou des ratés des protagonistes. La plupart des acteurs apportent une personnalité amusante et un caractère propre à leur personnage respectif. On est d'abord dérangé par les voix des personnalités connues, éprouvant une certaine difficulté à oublier leur visage derrière leur alter ego animé, mais cet inconfort disparaît relativement rapidement, quand on apprend à connaître les villageois de St-Victor et leur caractère unique.
On ne peut pas oublier qu'il s'agit d'un film québécois. Même si on s'efforce de le comparer aux autres productions d'animation, s'adressant au même public et qui l'affronteront sur le marché, nous ne pouvons nous séparer de l'idée que Le coq de St-Victor est un film d'animation entièrement produit chez nous et qu'il représente donc quelque chose au sein de notre cinématographie. Est-ce que cette critique serait moins charitable s'il s'agissait d'un long métrage américain, bénéficiant d'un budget astronomique et d'une main d'oeuvre internationale? Peut-être. Mais comme on ne le saura jamais, on décide donc d'apprécier la fraîcheur du coq québécois.