Il y a un grand plaisir cinéphilique à voir un long métrage véritablement unique comme The Congress. En réalité, au cinéma, les histoires se recoupent toutes un peu, entre les suites et les reboots, et depuis des années ce sentiment est renforcé par une référentialité liée au dialogue entre les films d'une même culture, une sorte de cannibalisme naturel du cinéma (et des autres formes d'Art). Il y a du bon à tirer de ce dialogue, cela ne fait aucun doute, mais il est aussi extrêmement stimulant d'entrer dans l'imaginaire d'un créateur unique et de devoir être prêt à tout. The Congress est certainement dans cette catégorie d'oeuvres qui proposent un dépaysement complet.
Au cours d'une première partie fascinante, le réalisateur Ari Folman parvient à détailler une réflexion complexe et profonde sur le cinéma, la société, l'argent et le métier d'acteur. Sans affirmations absolues, le réalisateur fait naître des questionnements profonds et exigeants qui sont véritablement stimulants. Quand, par un revirement tout aussi désarçonnant, on se retrouve « Vingt ans plus tard », on est vraiment prêt à tout. Sauf que c'est là que les problèmes commencent.
Les deuxième et troisième parties du film sont accablées de longueurs et de redites, ce qui rend difficile l'immersion dans ce monde dont la créativité et le rapport à la culture populaire sont insaisissables; par définition, cette conception de l'avenir du cinéma et de l'humanité étant en dehors du spectre des possibilités actuelles (ce qui les rend d'autant plus inquiétantes et plausibles). L'illustration d'un monde faux fondé sur des bonheurs artificiels est appuyée. L'idée est géniale, elle est inédite, et elle est parfaite pour le cinéma, mais elle n'est pas exploitée à son plein potentiel. Des références qui vont de Michael Jackson à Jésus en passant par Mohammed Ali ne permettent pas de former un discours engageant.
Idem pour l'animation, exemple probant de la numérisation du cinéma, qui est ici plutôt « traditionnelle » sans que ce choix, fortement connoté, évoque quelque chose de grandiose autant qu'on l'espérait.
La quête de la vérité des perceptions humaines est au coeur des oeuvres cinématographiques et du cinéma, et même de plus en plus depuis le début de sa numérisation, devenue inévitable il y a longtemps déjà. Ces questions ont déjà été posées : entre vivre un rêve éveillé et vivre la vérité, quoi choisir? C'était la thèse The Matrix, qui par réflexe, par évidence, préconisait la réalité. Mais la question mérite d'être posée véritablement, surtout que le dénouement du Congrès est complexe d'un point de vue social : quoi choisir?
Une expérience sensorielle unique, presque - je dis bien presque - gâchée par un discours sur le cinéma et la technologie redondant et simpliste. Dommage, car au final, The Congress avait tous les éléments pour proposer une expérience de cinéma à nulle autre pareille. Saluons l'interprétation émouvante de Robin Wright et la créativité de Folman. Ce faisant toutefois, on regrette de ne pas avoir été soufflé autant qu'on l'aurait souhaité par cette proposition de cinéma.