L'immense succès des Trois mousquetaires a fait des petits. Voici que prend déjà l'affiche Le Comte de Monte-Cristo, une nouvelle mouture du chef-d'oeuvre d'Alexandre Dumas. Si le précédent diptyque séduisait aisément, le plus récent film fait souvent sourciller.
Ce n'est pas un hasard si cette histoire a déjà été adaptée plus de 20 fois au cinéma. Le destin d'Edmond Dantès (ici interprété par Pierre Niney) est fascinant. Le jour de son mariage, le jeune homme est arrêté pour des raisons qu'il ignore et jeté au cachot. Il ruminera sa vengeance pendant plusieurs années qu'il exécutera sous le nom du Comte de Monte-Cristo.
L'adaptation qu'en a tirée Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte (les scénaristes des longs métrages portant sur D'Artagnan et Milady) ressemble à un best of du livre de Dumas. Il y a un complot, de l'action, de l'aventure et des rebondissements. Le tout bénissant d'un rythme à l'avenant. Sauf que la transposition est à la fois trop longue (trois heures) et trop courte. Rien ne respire derrière cette poudre aux yeux et l'essence du texte original manque cruellement.
Le résultat final s'avère surtout trop lisse. Où est la noirceur de l'oeuvre? Sa complexité? Dantès ne semble pas vraiment hanté par son passé : il n'est que motivé par sa justice destructrice. Ce personnage magnifique, un des plus beaux de la littérature, devient un être unidimensionnel, banal et sans grand intérêt.
Il évolue dans un univers moderne, qui fait écho au monde d'aujourd'hui, à la fois dans ses thèmes (la difficulté de pardonner, les rapports de classes sociales et les fausses nouvelles) que dans son identité cinématographique. Même si elle est réalisée en français, cette création ressemble à une production américaine. Cela s'apparente à un feuilleton de six épisodes de télévision gonflés pour le cinéma. À une Marvelisation d'un classique qui se cache derrière le noble film populaire pour prendre continuellement le spectateur par la main.
Combien de fois assistera-t-on à une ellipse où le héros et ses protégés expliquent leur plan directement à la caméra? Déjà que Dantès passe son temps à enlever ses masques ou à forcer sa voix pour être certain que le public le reconnaisse. Il aurait dû demander conseil au Tom Cruise des Mission: Impossible afin de passer inaperçu, car il est clairement reconnaissable derrière son attirail.
Cela n'empêche pas Pierre Niney de se donner sans compter, lui qui est devenu un abonné de ces rôles intenses et ambigus. Il n'y a d'ailleurs rien à redire de l'éblouissante distribution, où des acteurs de renom comme Anaïs Demoustier, Laurent Lafitte et Pierfrancesco Favino sont entourés de comédiens inspirants tels Bastien Bouillon (La nuit du 12) et Anamaria Vartolomei (L'événement).
Bénéficiant d'un budget considérable (plus de 40 millions d'euros), le long métrage ne manque pas d'ambition et de souffle épique. La photographie du Québécois Nicolas Bolduc est à la fois magnifique et spectaculaire, mêlant lumière vive et moments plus obscurs.
La mise en scène impersonnelle du duo de La Patellière et Delaporte (Le prénom) n'est cependant pas à la hauteur. Elle est lourde et pompeuse, romanesque jusqu'à en devenir sirupeuse, ensevelissant tout sous la tonitruante bande sonore de Jérôme Rebotier. Convenues, les scènes d'action font regretter les impressionnants plans séquences des Trois mousquetaires.
L'influence du Comte de Monte-Cristo est palpable dans le septième art, s'affichant dans des productions aussi différentes que Batman Begins et Sleepers. Il faudra pourtant encore patienter avant de découvrir la définitive adaptation cinématographique qui tarde à voir le jour. Quoique mouvementée et divertissante, celle de 2024 apparaît beaucoup trop sage, mécanique et superficielle.