Il y a trois ans, la cinéaste Ana Lily Amirpour avait frappé fort avec A Girl Walks Home Alone at Night, un western féministe iranien avec des vampires! Un premier long métrage doté d'une signature forte qui est rapidement devenu culte. Cela risque également d'être le cas de The Bad Batch, prix spécial du Jury à la Mostra de Venise en 2016, même s'il demeure légèrement moins phénoménal que son prédécesseur.
Ce nouveau film flirte toujours avec le western, cette fois psychédélique et bien symbolique, dans la lignée du classique El Topo d'Alejandro Jodorowsky. On y retrouve d'ailleurs des cannibales bien gores et sanglants! Et la meilleure façon de le résumer est d'imaginer Nicolas Winding Refn refaire Mad Max: Fury Road. Oui, c'est à ce point bizarre et incroyable.
Si le récit dystopique colle à la réalité quotidienne (des migrants errent dans un désert hostile), l'histoire mince et brouillonne a tôt fait de se perdre en route. Il y a une héroïne démembrée, un cannibale qui recherche une fillette et le chef d'une secte qui dirige la communauté hédoniste de Comfort. Pour le reste, les enjeux ne sont pas toujours clairs. Surtout qu'il y a des moments intenses d'hallucinations et de drogues!
Malgré cette confusion généralisée et quelques baisses de régime à mi-parcours, le cinéphile ne se fait pas prier pour embarquer. L'effort possède une ambiance et une atmosphère à revendre. Les dialogues peu abondants laissent toute la place aux images, travaillées à l'extrême. La mise en scène clinquante et souvent hypnotisante en met plein la vue avec ses ralentis et ses cadrages soignés qui amplifient les moments terrifiants et ceux de solitude. À tel point qu'on se rapproche de l'exercice de style sans y demeurer très longtemps.
La violence viscérale ramène tout le monde à l'ordre, jouant des contrastes avec les moments plus doux, presque romantiques. L'excellente trame sonore semble d'ailleurs provenir d'une production des années 80 de John Hughes, mélangeant le matériel récent (Nicolas Jaar, Pantha du Prince) et ancien (Ace of Base, Culture Club). C'est le duo électronique Darkside qui mène le bal et leurs mélodies atteignent des sommets lors d'une scène de discothèque aux néons enveloppants.
Encore peu connue du grand public, Suki Waterhouse en impose avec son jeu physique. S'il y a un prochain épisode d'Alien, elle est la femme de la situation. Peut-être plus limité, Jason Momoa laisse ses muscles parler à sa place. Quelle surprise de retrouver Jim Carrey, méconnaissable en ermite. Et Keanu Reeves est médusant en prêcheur. Ses sermons sont truculents et le rêve (américain?) qu'il tente de véhiculer n'est pas si éloigné de celui de The Matrix.
Sorte d'Alice au pays des merveilles revu et corrigé pour le public de Quentin Tarantino et de Robert Rodriguez, The Bad Batch s'avère tout un trip, unique et parfois exigeant, qui va profondément diviser. À regarder en doublé avec l'encore plus traumatisant We Are the Flesh d'Emiliano Rocha Minter pour une escapade cinématographique hors du commun.