Depuis son lancement en décembre 2006, le site WikiLeaks a souvent défrayé la manchette avec les informations sensibles qu'il a dévoilées et les ennuis judiciaires de son fondateur. L'impact du site a été d'autant plus grand que beaucoup n'ont pas compris son mode de fonctionnement et que Julian Assange, le fondateur (ou porte-parole?) en question est un phénomène en soi. Il n'est donc pas du tout étonnant de voir un premier long métrage de fiction s'intéresser à ce récit; c'est un sujet passionnant qui s'inscrira dans l'histoire. Pourtant, The Fifth Estate ne parvient pas à saisir véritablement sont sujet, préférant lui substituer des tricheries narratives peu inspirées.
Déjà dans sa représentation métaphorique d'internet et des « bureaux » virtuels de WikiLeaks (où il neige, apparemment), le long métrage démontre les limites de sa réflexion et de sa compréhension. Ces scènes, ampoulées, sont ridicules et ne représentent pas fidèlement le concept de WikiLeaks. Lorsqu'il ajoute des trames secondaires impliquant une taupe américaine dont la vie est mise en danger par les informations que possède WikiLeaks, deux fonctionnaires du Département d'État cherchant à protéger leurs sources et des journalistes du Guardian dépassés par les événements, le film avoue en quelque sorte qu'il ne sait pas quoi faire de sa trame principale. Ces sous-histoires servent à augmenter les enjeux parce qu'on n'a pas réussi à pleinement utiliser les principaux. Argo trichait, mais il s'acquittait de sa tâche.
Certes, porter à l'écran un récit où les personnages passent leur temps à pianoter sur un ordinateur n'est pas une mince affaire. Mais la faute des responsables de The Fifth Estate aura été de ne pas être parvenu à rendre plausible le profond changement social qui s'est déroulé alors que Assange et Daniel Berg ont posé les bases du site qui viendra ensuite faire trembler les gouvernements les plus puissants du monde. Une des raisons qui expliquent cet échec est certainement le traitement de faveur dont bénéficie le personnage de Berg, alors que le principal intéressé a participé à l'écriture d'un livre qui a inspiré le scénario. Disons qu'il s'est donné le beau rôle... Ce film essaie d'être The Social Network mais n'y arrive pas.
Incarné par l'habituellement excellent Daniel Brühl, le personnage de Berg est donc l'alter ego du spectateur, celui qui découvre Assange, ici un sociopathe manipulateur et malhonnête couplé d'un génie. Le personnage est fade, et on ne le comprend réellement que lors d'un étrange discours final où il s'adresse directement à la caméra. Un discours qui résume ce que The Fifth Estate aurait dû être, ce qui est justement ce qu'il n'est pas. Même Benedict Cumberbatch nous paraît plutôt fade dans le rôle d'Assange.
The Fifth Estate n'a pas suffisamment d'ambition et d'inventivité pour aborder un sujet aussi complexe.