Le cinéma d'animation semble avoir découvert le Bigfoot. Après Nelly et Simon: Mission Yéti et Smallfoot, c'est au tour de Missing Link de partir à l'aventure pour tenter de prouver l'existence de cette créature légendaire.
Comme pour ses prédécesseurs, ce sont les enfants qui risquent d'y trouver leur compte. Le long métrage est parsemé de touches d'humour rocambolesques, dans la tradition du slapstick, et il fera sourire instantanément. Après une entrée un peu laborieuse, le rythme se replace et l'action coule à flots. Les péripéties sont tellement nombreuses qu'il est plutôt difficile de bayer aux corneilles. Si en plus on y ajoute une bête charmante et irrésistible...
Les plus vieux se sentiront en terrain connu devant cette intrigue prévisible qui célèbre les vertus de la famille et de l'amitié. Les hommages - à Indiana Jones, Le tour du monde en 80 jours - se succèdent dans la bonne humeur, bien que les adultes trouveront peut-être l'ensemble un brin trop didactique et superficiel (la critique de la société victorienne n'est guère élaborée). Au moins, le cinéaste Chris Butler a eu la présence d'idée de saupoudrer son scénario de quelques idées avant-gardistes, dont celle, lumineuse, de permettre au personnage principal, identifié comme masculin, de se choisir un prénom féminin.
Cela ne plongera pas pour autant le film dans la modernité. En fait, Missing Link revendique son côté vieillot, à la fois sur le plan narratif qu'esthétique. En optant pour une technique d'animation image par image, le récit tourne le dos aux technologies dites révolutionnaires - que l'on retrouve notamment dans How to Train Your Dragon - pour se concentrer sur l'essentiel. L'âme ne doit pas être tangible et dépendante des prouesses visuelles et sonores, mais exister par elle-même. Elle est d'ailleurs palpable au sein de ces dessins soignés, au style assumé.
Trop souvent laissé à lui-même lorsqu'il foule le cinéma « traditionnel », Zach Galifianakis trouve ici le ton juste dans sa façon de faire parler ce chaînon manquant haut en couleur. Ses nombreux jeux de mots et sa voix unique n'ont pas dû être faciles à doubler. Face à lui, Hugh Jackman semble incarner une version animée de lui-même, alors que Zoe Saldana amène esprit et vivacité à un nouveau personnage fort en gueule.
Pour leur cinquième animation, le studio Laika vise le divertissement à tout prix, celui qui pourra éventuellement rivaliser avec les Pixar et Illumination Entertainment de ce monde. Le risque est cependant grand de perdre son identité, distillée dans un projet rassembleur et trop gentil. Missing Link ne marquera pas les esprits comme le sublime Coraline et il ne possède pas la profondeur émotive de Kubo and the Two Strings. Il se situe plutôt entre le rigolo ParaNorman (Chris Butler assurait également la réalisation) et le plus quelconque The Boxtrolls, faisant passer un agréable moment sans révolutionner quoi que ce soit. Voilà l'intermède idéal entre deux dessins animés plus conséquents comme Miraï, ma petite soeur et Ville Neuve.