The Big Short est irrévérencieux, provocateur, délinquant, et c'est exactement ce pour quoi il se démarque dans le paysage cinématographique nord-américain et nous séduit aussi intensément. Des films sur les fraudes financières, il y en a eu des tonnes au cours des dernières années. Ces bandits à cravate ont fait l'objet de nombre de productions qui revendiquaient leur égoïsme apocalyptique, mais The Big Short s'y prend différent pour raconter son histoire - inspirée de faits vécus. Elle a recours à des techniques peu usuelles du monde du cinéma. Les narrateurs sont multiples (et présomptueux), les personnages s'adressent parfois directement à la caméra, des images issues de la culture populaire et de faits d'hiver d'actualités sont souvent intégrées à la trame principale et le cadrage n'est pas fixe et propret comme il l'est généralement dans ce genre de film sur la finance.
Mais, le pari le plus risqué que prend The Big Short est d'intégrer des personnalités du monde artistique ou des affaires au coeur même de son récit afin que ces dernières expliquent les tournants plus complexes de l'univers économique américain. Ce qui nous donne droit à Margot Robbie dans un bain moussant buvant un champagne qui tente de vulgariser les prêts « subprimes » et Séléna Gomez qui joue au poker avec l'économiste Richard Thaler et qui essaie d'expliquer une forme de prêts artificiels alambiqués.
Ces apartés n'ont pas que pour seul but de divertir et de sortir du cadre technique formel, ils ont aussi une vraie utilité pédagogique parce que The Big Short est un film très très compliqué dans sa thématique et ses sujets traités. Le spectateur moyen ne comprendra pas la moitié de ce qui se passe à l'écran. On saisit que le gouvernement et les banques ont endossé une mutinerie financière (consciemment ou pas) qui a mené au crash de 2008 aux États-Unis, mais les éléments qui ont permis à ces quelques individus de déceler la faille et comment ils en sont venus à en tirer profit nous échappe complètement.
Précisons que le studio Paramount a cette mauvaise habitude depuis quelque temps de faire traduire ses films uniquement en France et non plus au Québec. Ce qui nous donne donc droit ici à des expressions comme « C'est la méga boulette », « Tu me prends en flag », « Le matheux de la bande » et « Je suis furax ». Bien que ces paroles sonnent étranges à l'oreille du Québécois, surtout provenant de la bouche de Christian Bale ou Steve Carell, le film The Big Short est si complexe qu'à moins d'être parfaitement bilingue et/ou de bénéficier d'un certain bagage dans le monde de la finance, la version française (même nantie de l'accent et des expressions françaises) reste la meilleure option.
La plus grande qualité de The Big Short - hormis le talent évident de ses interprètes - est son originalité et sa désinvolture parfaitement assumée. On aurait peut-être souhaité qu'on vulgarise encore davantage les méandres de l'économie pour les plus novices, mais on ne peut qu'admettre que cette imperméabilité du film est profitable à son efficacité globale.