Silver Linings Playbook est une comédie dramatique et romantique réjouissante, portée par des acteurs talentueux, une bonne humeur contagieuse et une maturité émotive et thématique bienvenue, surtout dans le contexte actuel où, de plus en plus, la mode est à la simplification à outrance, au manichéisme, à la division élémentaire - que ce soit entre bons et méchants ou entre les enjeux et les obstacles - ayant comme résultat une confusion globale où celui qui, voulant s'adresser au plus grand nombre, ne s'adresse finalement à personne, et pour ne rien dire d'ailleurs.
Sans être révolutionnaire, voilà un film qui semble être sincèrement intéressé par les humains qu'il met en scène, ce qui se transmet rapidement au spectateur. Alors que les personnages sont encore en processus d'être définis, leurs relations interpersonnelles atteignent déjà un niveau de complexité (de maturité) stimulant, entre autres dans la délicate représentation des relations familiales, qui sont rarement aussi noir ou blanc que ce que propose le cinéma. Ce souci du détail rend la quête des deux personnages principaux particulièrement efficaces, d'autant qu'ils ne semblent pas au courant des attentes que le spectateur place en eux - ils sont si beaux ensembles (surtout elle), comment voulez-vous que ça se termine? - dont le film semble avoir pleinement conscience, jusqu'à le souligner avec une pointe d'ironie. Un feel-good movie décomplexé.
La réalisation de David O. Russell en fait juste assez, presque jusqu'à se faire oublier, évitant les effets de style inutiles, démontrant beaucoup d'empathie et refusant la surenchère des émotions; le cinéma a un rapport aliénant avec le Temps, il le dilate ou le contracte selon sa convenance, ce qui amène souvent les réalisateurs et les scénaristes à précipiter les éléments dans un fouillis indescriptible et indigeste, comme si tout ce qui est important dans la vie des personnages se déroulait en une semaine. Au contraire, dans Silver Linings Playbook, on prend plutôt le temps d'accomplir chaque geste, soulignant ainsi son importance et sa signification.
La performance des deux acteurs principaux y est pour beaucoup dans cette réussite. Si Bradley Cooper et Jennifer Lawrence paraissent aussi convaincants, c'est que leurs personnages sont crédibles et qu'on aborde leur maladie mentale (mineure tout de même) en faisant remarquer qu'on est tous un peu psycho-rigide-agressif-passif dépendant du moment de la journée. Les deux sont attendrissants, crédibles et la complicité entre les deux fonctionne à merveille.
La palette d'émotions du film est donc multipliée par tous ces détails, par la crédibilité des comédiens et par le traitement modeste d'un réalisateur qui aurait pu vouloir voler la vedette. On peut donc tout autant être amusé qu'ému, sans que l'un ou l'autre ne paraisse forcé. Une comédie dramatique et romantique toute en subtilités, d'une telle efficacité au demeurant, est une denrée rare.