Pour son troisième long métrage, Sébastien Rose examine autant la société que le cinéma en proposant un commentaire « sévère mais juste » sur le microcosme universitaire. Des professeurs, des élèves, un recteur qui a des idées de grandeur, des classes sociales et des revendications côtoient la transmission du savoir, la raison d'être de l'université. Le banquet, c'est l'histoire d'un peu tout ça, c'est l'occasion d'une belle rencontre entre Alexis Martin et Benoît McGinnis et c'est la plus belle opportunité pour un auteur, universitaire et intellectuel, de dire enfin ce que tout le monde sait sans l'avouer : l'université pour tout le monde, c'est une utopie.
Bertrand Girard enseigne la scénarisation à l'université. L'arrivée dans sa classe d'un élève un peu « spécial », Gilbert Dubois, qui ne cesse de le provoquer et qui remet en question ses méthodes d'enseignement lui vaudra une audience en comité de discipline, pendant que le recteur souhaite agrandir son université et que les étudiants se mobilisent afin de déclencher la grève, opposant deux leaders étudiants aux méthodes bien différentes. Parallèlement, une jeune mère célibataire toxicomane tente de reprendre le contrôle de sa vie.
Le montage exceptionnel contribue à l'élaboration presque pernicieuse d'un climat de tension tout particulièrement saturé et drôlement efficace. Le drame (la tragédie, en fait), qui nous a pourtant été dévoilé d'entrée de jeu s'oublie derrière les quêtes des personnages, tous crédibles et inspirant une forte sympathie. La finale est un difficile moment à passer merveilleusement bien réalisé, sans les excès habituels vers les bons sentiments et les regrets. Même dans ces moments de grande tension, Rose conserve la justesse et la candeur - si on peut ce permettre ce mot incongru - qui font aussi la force de ses dialogues et des rencontres entre les personnages. Raymond Bouchard, Frédéric Pierre et Pierre Antoine Lasnier sont tous très bons, mais Benoît McGinnis et Alexis Martin, parfait pour le rôle, tirent tout particulièrement leur épingle du jeu.
En comité de déontologie, Bertrand dévoilera plus clairement ses opinions tranchées sur le monde universitaire, qui ne pourrait pas être plus pertinentes en cette époque où l'éducation est déficitaire, où on risque de « s'aliéner l'élite » pour faire de la place au plus grand nombre. Une erreur, une évidence, exprimée ici sans fausse empathie pour les éventuels laissés-pour-compte.
Même le personnage de Natacha, qui semble longtemps être le maillon faible de cette histoire tragique malgré l'interprétation convaincante de Catherine de Léan (un outil dramatique, en quelque sorte), ajoute une profondeur intéressante à l'histoire, celui du refus de la filiation. Les extraits de films québécois présentés, rigoureusement bien choisis, rendent hommage aux Groulx, Jutra et Perrault en plus d'appuyer le propos d'un film qui aurait aussi pu s'appeler Pour la suite du monde. Mais le nom a déjà été pris, paraît-il.
OEuvre accomplie jusque dans les moindres détails qui ne fait pas nécessairement dans la subtilité. Les opinions sont tranchées, pas question de s'en excuser, et les méchants et les bons fieffés. Mais le propos est juste, nécessaire. Quand en plus un film est si bien fait, on parle d'un oeuvre supérieure.
Œuvre accomplie jusque dans les moindres détails qui ne fait pas nécessairement dans la subtilité. Les opinions sont tranchées, pas question de s'en excuser, et les méchants et les bons fieffés. Mais le propos est juste, nécessaire. Quand en plus un film est si bien fait, on parle d'un œuvre supérieure.
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