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A la folie!
De film en film, l’œuvre de Mélanie Laurent se dessine. Profondément féminine et terriblement tragique. « Le Bal des folles », son quatrième film en attendant la sortie repoussée à cause de la crise de son plus gros projet « The Nightingale », ne déroge pas à cette règle. On nous fait découvrir un sujet méconnu de notre histoire, en l’occurrence la manière dont des femmes présumées folles pour X ou Y raison étaient internées à la Pitié Salpêtrière et servait d’expérience au docteur Charcot, bien connu dans le monde médical pour ses recherches controversées sur la psychose, la neurologie et la schizophrénie. De la même manière, Laurent dresse un constat de la place de la femme dans la société matriarcale du XIXème siècle et effleure aussi le sujet du surnaturel en confrontant avec acuité le monde des esprits et la religion. Un vaste programme parfaitement négocié dont les thématiques lourdes sont rendues parfaitement lisibles, compréhensibles et traitées en profondeur grâce à un travail d’écriture rigoureux. Les dialogues comme les situations sont bien choisis et ont l’effet escompté : instruire, faire réfléchir et appeler au devoir de mémoire.
Laurent a réuni une distribution de très grande qualité pour son « Bal des folles ». Lou de Laâge et elle-même sont parfaites dans les rôles principaux. Intenses et déchirantes, leurs compositions sont irréprochables et leur osmose à l’écran est palpable. Mais tous les rôles plus secondaires sont du même acabit, de Benjamin Voisin en frère complice aux deux autres comédiens mais aussi réalisateurs comme elle que la jeune cinéaste a convoqué : Cédric Kahn en père intransigeant d’abord et surtout l’impressionnante Emmanuelle Bercot en infirmière sévère qui se révèle parfaite de cruauté enfouie dans ce rôle. Beau casting qui fait honneur à un film bouleversant. Une œuvre qui nous montre les errances d’une certaine science sensationnaliste qui réfute toute chose inexplicable ainsi que des femmes brimées par une société tout sauf progressiste. De choisir comme personnage principal une jeune femme qui communique avec les esprits et la confronter à une infirmière cartésienne, bercée à la science, était l’excellente idée du roman et logiquement reprise ici.
Alors certes les manifestations du surnaturel sont parfois maladroites. Laurent a choisi de ne pas montrer et de laisser place à la suggestion. C’est un bon point. Mais de voir Lou de Laâge parlait aux murs est parfois à la limite du ridicule mais ces scènes sont très peu nombreuses, le fantastique restant périphérique au reste de l’histoire. Également, les envolées romanesques de la toute fin ne semblaient pas forcément nécessaires et dénotent quelque peu mais c’est un détail au vu de la force émotionnelle du « Bal des folles ». Qui plus est, Laurent filme de mieux en mieux. Outre la reconstitution fastueuse mais pas ostentatoire du Paris de l’époque, ses plans sont soignés, certains presque semblables à des peintures. Elle joue avec le clair-obscur et la lumière nous offrant de très belles images mais s’éloigne d’une mise en scène trop classique et paresseuse en n’hésitant pas à faire vivre sa caméra comme un personnage au travers de quelques essais pertinents au sein de l’hôpital. Le final, durant le bal, est à la fois terrifiant d’horreur psychologique avec la manière dont ces femmes étaient jetées en pâture à la curiosité malsaine et mal placée et visuellement sublime avec la manière dont il est filmé. Un très beau film féministe entre l’amour et la folie, maîtrisé de bout en bout, déchirant et choquant pour les bonnes raisons.
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