La vie avec mon père est un film qui, malgré une apparente sincérité, manque de force dramatique et d'intérêt général. Comme si cette histoire de famille, qui devrait interpeller tout le monde, n'interpellait personne. Une confession incomplète.
Le deuxième film du réalisateur-philosophe Sébastien Rose, après Comment ma mère accoucha de moi pendant sa ménopause, malgré quelques bons moments dispersés, ne partage jamais ni la beauté, ni la laideur de la vie. Cet hédoniste, amoureux des femmes, du vin et de la vie, manque de profondeur, manque d'humanité, un peu comme son film, une sorte d'ode à la vie sans musique. Un joli poème, à la limite, mais mal accordé.
François Agira, auteur d'un seul roman, revient vivre avec ses deux fils qu'il a abandonnés pour terminer sa vie. Pas besoin d'en dire plus pour voir le lien direct avec Les Invasions Barbares, de Denys Arcand avec Rémy Girard, et même si Rose continue de dire que son film était écrit avant, il devra se prêter au jeu des comparaisons. Évidemment, Rose perd, par manque de sentiments, et Bouchard perd aussi, par manque d'aplomb.
Le film repose sur l'opposition habituelle entre les deux frères, un écrivain raté et pauvre, Paul, et le très efficace directeur d'une multinationale pharmaceutique, Patrick. Rien d'innovateur, ni dans l'histoire, ni dans le traitement. La déchéance du père commence sans qu'il ne soit défini, et nous voilà aussi désarçonnés que lui, d'autant que certaines de ses actions s'expliquent franchement mal.
La réalisation est mature et pertinente, sans plus, posant un regard neutre sur l'ensemble du portrait, regardant seulement ces personnages de laboratoire vivre dans un habitat constamment modifié, par les gens qui le composent ou par les éléments physiques qui se décomposent. Difficile de rater la métaphore avec le père, amoureux et malade, qui vit ici les derniers moments de sa vie et qui veut laisser derrière lui des leçons de vie…ni inspirées, ni réalistes. Se faire moralisateur au cinéma d'aujourd'hui est risqué, Rose ne parvient pas à intégrer son message à l'œuvre, impossible alors de le faire accepter.
On parle beaucoup de la performance de Raymond Bouchard, du rôle de sa carrière, peut-être, alors que, en tant qu'acteur d'expérience, il ne fait qu'atteindre la qualité attendue. Oui, sa performance est bonne, très bonne, mais ce n'est pas une révélation, ce devrait être admis de facto. David La Haye, comme toujours, est juste et en parfait contrôle tandis que Paul Ahmarani est tout aussi efficace. Hélène Florent s'avère la plus jolie trouvaille du groupe dans une performance vivante et enjouée. Elle est le personnage le plus complet, le plus humain du groupe. Les autres paraissent souvent comme des définitions de dictionnaire, sans nuances et unidimensionnels. Leurs relations en souffrent, évidemment, tombant parfois dans un surréalisme tout à fait inapproprié. Dommage.
Quelques scènes seulement partagent cette vigueur qu'on suppose à François Agira, même face à la mort, ce qui rend La vie avec mon père le portrait un peu brouillon de l'existence d'un homme. L'ensemble s'avère un peu monotone, et Raymond Bouchard même ne peu insuffler suffisamment de vigueur au film pour qu'il touche ou qu'il émeuve. Une page de journal intime trop inabordable, voilà La vie avec mon père.
La vie avec mon père est un film qui, malgré une apparente sincérité, manque de force dramatique et d'intérêt général. Comme si cette histoire de famille, qui devrait interpeller tout le monde, n'interpellait personne.
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