Après un premier volet affreux et insultant (« exécrable, bourré de clichés odieux, d'acteurs minables et de premiers baisers parfaits », pour me citer moi-même) qui avait connu un succès démesuré au nom du bonheur, de l'amour et du « droit de rêver » (qui est en fait un privilège), la saga Twilight se poursuit avec ce deuxième film. Réglons d'abord une chose : meilleur que le premier. Réalisé avec bien plus de sérieux et de minutie, et apparemment avec bien plus de budget, le film ne tourne pas les coins ronds comme son prédécesseur et commence à respecter une certaine logique interne. À l'exception du (premier) dénouement absurde de ce film trop long (« nous voulions vous tuer mais, oui, partez! ») et de l'amour, présenté grossièrement comme un one woman show. Est-ce qu'on peut dire que Bella, elle cherche le trouble?
Alors qu'elle célèbre son anniversaire avec la famille de son petit ami Edward, les Cullen, Bella se coupe le doigt en déballant un cadeau (ah bon...). Jasper, son demi-beau-frère vampire, ne peut contrôler ses pulsions et met Bella en danger. Voulant la protéger, Edward décide de déménager avec sa famille loin de Forks. Esseulée, Bella perd le goût de vivre, jusqu'à ce qu'elle réalise qu'elle peut revoir son amoureux lorsqu'elle se met en danger. Avec l'aide de son ami Jacob, de qui elle se rapproche beaucoup, elle commence à reprendre goût à la vie. Lorsqu'Edward la croit morte, il souhaite mourir et se rend en Italie afin de rencontrer les Volturi, qui sont des méchants, mais gentils.
La plupart des scènes de ce deuxième Twilight, prises individuellement, ont parfois plusieurs qualités, d'autant que le réalisateur Chris Weitz, qui remplace Catherine Hardwicke, se permet quelques audaces souvent convaincantes (ellipses temporelles, particulièrement). C'est lors des ressorts dramatiques, qui sont censés lancer le récit, le propulser plus loin, que tous les défauts de cette franchise frustrante apparaissent le plus évident : Edward croit à la mort de sa petite amie parce que Jacob n'a pas voulu lui prêter le téléphone; Alice voit l'avenir mais pas quand le loup-garou est impliqué, les Volturi sont finalement bien conciliants, Robert Pattinson a une beauté susceptible... Et puis la question la plus importante : pourquoi les vampires portent-ils tous des verres de contact? Vous dites?
Il faut aussi se rendre à l'évidence que la saga Twilight est en fait un brillant exercice de manipulation mercantile; elle représente avec une certaine perspicacité le rêve de toutes les jeunes filles : des beaux jeunes hommes capables de les protéger (quoique Edward s'avère assez mou), des méchants garçons (qui puent sûrement) qui n'hésitent pas à se repentir et à offrir leur amour éternel. Une recette infaillible; ça doit venir avec la puberté, que sais-je, et créer une sorte de confrérie (il faudrait sans doute dire « sororité », mais ce mot est sans doute le plus laid de la langue française), que les artisans de ce film exploitent sans vergogne ni parcimonie.
D'autant que ce film risque de laisser croire aux jeunes filles que ce que fait Bella (se servir du pauvre Jacob, dont la principale qualité est d'enlever son t-shirt de façon spontanée (il se promène torse nu la journée, mais dort avec un t-shirt (si on était anglophone et mal-élevé, on dirait : « what the fuck? »))) est acceptable, alors que cela fait d'elle une fieffée manipulatrice et peut-être même un petit peu une traînée.
Mais je vous entends me rappeler à l'ordre : on ne doit pas juger de la morale d'un film, mais de ses qualités cinématographiques, et il faut bien admettre que La saga Twilight : Tentation est bien plus respectueux de son public que le premier film. Les comédiens ne sont pas nécessairement plus inspirés, mais ils se défendent mieux, et les effets spéciaux sont grandement améliorés. Les dialogues sont souvent affreusement guimauves et le film enchaîne les scènes inutiles et trop longues, mais on vend ici du rêve et il y a des preneuses.
Réjouissons-nous, car La saga Twilight : Tentation parviendra peut-être à consacrer une savoureuse expression émergente (née dans le Bas-Saint-Laurent) : « Arrête de faire des gestes, mets-toi en chest! » ou à combattre l'obésité chez les jeunes garçons, qui n'auront aucune chance contre les loups-garous s'ils continuent (m'incluant). Du moins souhaitons-le.