La pirogue

Le cinéaste a expliqué en entrevue que « la pirogue est une métaphore du pays qui part à la dérive, quand il n'y a plus d'horizon ». L'image est saisissante de vérité.

En dépit de la prévisibilité du récit, La pirogue arrive à remarquablement délinéer les points forts des ses protagonistes et mettre de l'avant les valeurs assurés d'une production modeste, mais vigoureusement efficace.

En insufflant une certaine lenteur à son film, Touré parvient au final à traduire avec un étonnant réalisme l'attente insoutenable de ces voyageurs confinés les uns aux autres et qui s'accrochent, du mieux qu'ils le peuvent, à la possibilité d'un meilleur sort.

Malgré une certaine difficulté à émouvoir tant le traitement peut parfois manquer de chaleur (on est à ce chapitre très loin d'El Norte de Gregory Nava), La Pirogue demeure un essai engageant, un brin prévisible mais généralement maîtrisé, qui montre au lieu d'expliquer et suggère au lieu de moraliser.

Si on sent parfois les acteurs en situation de jeu, il reste que l'approche sensible du cinéaste octroie au film son authenticité. Les moments les plus saisissants sont justement ceux où la caméra attentive capte des moments de vérité sur le visage des acteurs.

Partant d'un sujet fort, hélas toujours très actuel, Moussa Touré signe un huis-clos maritime efficace et soigné sur le plan technique, nourri de notations vraies et touchantes sur les rêves inassouvis d'Africains condamnés à la précarité dans leur contrée.