On en vient invariablement à ressentir du découragement et une certaine consternation lorsque l'on se penche sur The Bourne Legacy. Quand Matt Damon et Paul Greengrass ont décidé que l'aventure Bourne était terminée pour eux, la bonne réaction aurait été de passer à une autre franchise et laisser l'agent de Threadstone derrière, mais comme l'industrie du cinéma en est une (principalement) de profits, il était absurde d'abandonner une série si populaire et profitable pour les coffres. Universal a donc décidé de partir sur une nouvelle lancée avec un personnage inédit; Aaron Cross, un autre agent aux capacités physiques et psychologiques supérieures qui tente d'échapper au gouvernement américain qui, lui, tente de l'éliminer.
Même si le pedigree de Cross promettait un protagoniste énigmatique et fascinant, il se révèle au bout du compte plutôt fade et stéréotypé. Les scénaristes nous révèlent tellement peu de détails sur son passé qu'on n'a jamais la chance de vraiment s'attacher à ce soldat patriotique version améliorée. Même ses anecdotes sur son passé sordide alors qu'il était considéré comme un rat de laboratoire n'ont que peu de valeur auprès du cinéphile, ambivalent entre la pitié et l'admiration. On a tellement travaillé fort pour tisser des liens entre le plus récent film de Bourne (The Bourne Supremacy) et ce nouveau chapitre qu'on a peut-être poussé la chose un peu trop loin. Il est impossible d'apprécier les subtilités (qui n'en sont pas pour autant brillantes) de Bourne Legacy sans avoir vu récemment et dans son ensemble le volet précédent. Toutes ces corrélations et ces cousinages affublent à l'oeuvre une complexité excessive qui n'aurait pourtant pas été nécessaire. Si l'histoire d'Aaron Cross était indépendante à celle de Bourne, elle serait peut-être plus intéressante, ou du moins beaucoup moins embrouillée.
Au-delà de la narration, on a aussi voulu recréer l'ambiance qui faisait le succès de la franchise de Greengrass; des poursuites effrénées sur les toits, en voiture ou à moto, une caméra à l'épaule intrusive et des décors exotiques utilisés comme tremplin à l'action. Malgré toute la bonne volonté du réalisateur Tony Gilroy, l'effet a beaucoup moins d'impact que ce à quoi on nous a habitué. On ose très peu de nouvelles choses, on a même parfois l'impression d'avoir déjà vu la même scène dans un ou l'autre des films précédents (Damon ou Renner qui court sur des toits pour sauver une fille alors qu'il est poursuivi pas un assassin; c'est la même chose même si ce n'est pas le même gars).
Renner se débrouille généralement bien dans le rôle principal, mais il est invariablement freiné par la pauvreté de son personnage. Il en va de même pour Rachel Weisz, qui donne quant à elle un peu plus de profondeur et d'humanité à son personnage grâce à un jeu intense et poignant.
The Bourne Legacy s'avère tristement l'une des déceptions de l'été. C'est probablement lorsqu'arrive à la fin du film, avec ce nouvel agent encore plus puissant, avec encore moins d'émotions et encore mieux dissimulé au coeur des formalités gouvernementales, masqué par des lunettes de soleil à la Terminator, qui se relève après être tombé d'une moto en marche et avoir reçu trois balles dans le torse, qu'on se dit : « C'est vraiment allé trop loin! »