Après avoir donné vie à Jasmine, Mulan et Belle, Disney s'attaque à une autre de ses célèbres princesses, Ariel. Le défi technique était quand même de taille. Faire un film de sirènes en prises de vue réelles relevait un peu de l'utopie. Oui, les avancements technologiques sont remarquables, mais pouvait-on aller jusqu'à créer un monde sous-marin crédible grâce aux effets spéciaux? À cela Disney répond : « oui ». Nous disons: « mouin... ». Les poissons, les coraux multicolores, les mammifères géants, les épaves, tout est spectaculaire, jusqu'à ce qu'on arrive aux sirènes. Leur corps et leur queue pourraient difficilement être plus réussis, mais c'est au niveau de la tête que le bât blesse. On a l'impression que le visage des acteurs a été apposé sur des dessins animés. C'est probablement le cas, dans les faits, mais on ne devrait pas le ressentir aussi crument. On pourrait penser que c'est un menu détail, mais nous sommes tellement habitués à des effets visuels impeccables que le moindre défaut agace notre oeil.
Heureusement, il n'y a que le tiers du film qui se passe sous l'eau, le reste se déroule dans le cossu royaume du Prince Éric. C'est après l'avoir sauvé d'un naufrage qu'Ariel s'éprend du jeune homme. Comme son père l'empêche de retourner à la surface, la rebelle sirène accepte l'offre malveillante de sa tante Ursula, la sorcière des mers. Celle-ci lui donnera des jambes pendant trois jours pendant lesquels elle pourra retrouver son prétendant. Par contre, elle devra le charmer sans sa voix qu'Ursula conservera précieusement dans un collier à son cou. Si elle veut garder son corps humain, Ariel devra embrasser le prince avant la date limite.
Comme Disney l'a fait avec ses autres relectures, l'histoire de la petite sirène a été revisitée à la sauce 2023. Ainsi, pas de mariage entre le prince Éric et Ariel (les tourtereaux partent plutôt visiter le monde sur un bateau) et les filles de Triton sont toutes de nationalités différentes, à commencer par Ariel. Tout cela n'est pas très méchant et suffisamment bien intégré au récit pour qu'on l'accepte sans rechigner, d'autant plus que le reste de l'histoire s'avère assez fidèle à l'originale. Bien sûr, comme on passe d'un film d'une heure vingt-trois à un long métrage de deux heures quinze, il est évident qu'on a changé quelques trucs et ajouté des détails, mais l'essence y est respectée. Est-ce que tout ce qu'on a choisi d'ajouter est pertinent? Non. Il y a de nouvelles chansons dont on se serait passé (celle d'Éric et le rap d'Écoutille en font partie) et des subtilités narratives qui ne font qu'alourdir le récit. Encore là, rien pour grimper dans les rideaux et crier à l'outrage.
Les moments qu'on attendait le plus sont aussi délectables qu'espérés. Impossible de ne pas se dandiner sur notre siège lorsqu'Ariel et Sébastien entonnent « Parmi ces gens » (« Part of the World ») et « Sous l'océan » (« Under the Sea »). Il faut absolument souligner l'intelligence de Disney qui est allé chercher la très talentueuse Audrey-Louise Beauséjour (Star Académie) pour personnifier l'intrépide Ariel en français. La chanteuse a la voix parfaite pour le rôle! Même chose pour Gardy Fury, qui fait un Sébastien irréprochable. Disney propose généralement des doublages québécois exemplaires et c'est encore le cas cette fois.
Du côté des acteurs, on aime bien Halle Bailey, qui arrive à transmettre l'émotion malgré le mutisme de son personnage pendant la moitié du film. Malheureusement, le prince Éric de Jonah Hauer-King n'est pas aussi convaincant. Il n'y a pas suffisamment de chimie entre les deux comédiens pour témoigner de l'attirance et de l'affection que leurs alter ego entretiennent l'un envers l'autre. Melissa McCarthy se débrouille aussi très bien dans la peau de la pieuvre Ursula, et Javier Bardem fait ce qu'il peut sous les traits d'un Roi Triton, assez effacé.
Cette nouvelle Petite Sirène saura certainement toucher les cordes sensibles des adeptes de la première heure. Si le film est un peu long pour les jeunes enfants (moins de 8 ans), il pourra charmer les plus grands sans problème. Même si elle n'est pas parfaite, La petite sirène version 2023 vous laissera guillerets. Vous risquez de fredonner longtemps après le visionnement : « Sous l'océan, sous l'océan / Doudou c'est bien mieux / Tout le monde est heureux / Sous l'océan »...