Comment ne pas tomber sous le charme de cette petite mousquetaire des temps modernes qui décide de prendre son destin en main, portée par son fidèle destrier (son vélo) afin de sauver la veuve et l'orphelin de l'infamie, en l'occurrence ici, son papa du désespoir. Le parcours de la jeune Hélène, imaginée par l'autrice Marie-Renée Lavoie dans le roman du même nom, est fascinant. Impossible de lâcher du regard cette enfant ingénue et déterminée qui n'a pas la langue dans sa poche. L'actrice Juliette Bharucha brille de mille feux dans ce rôle qui semble taillé sur mesure pour elle, bien qu'il s'agisse de sa première expérience de jeu. Retenez ce nom puisque ce ne sera assurément pas la dernière fois que vous verrez cette jeune fille sur vos écrans.
La comédienne forme d'ailleurs un duo à la fois improbable et naturel avec Gildor Roy, qui incarne le « vieux » de l'histoire, un homme bourru, mais rempli de ressources. Ce dernier viendra prêter main forte à la famille d'Hélène (qui se fait appeler Jo, comme son personnage de dessin animé préféré) dans diverses situations, notamment lorsque la plus jeune de ses soeurs boira de l'eau de javel. Monsieur Roger épaulera aussi Jo dans son nouveau travail de camelote. Celle-ci se levant aux aurores afin de ramener de l'argent au foyer.
Notons que Vincent-Guillaume Otis se distingue aussi dans le rôle du père, un professeur, amoureux de littérature, désabusé, mais étrangement attachant. Marilyn Castonguay, sous les traits de la maman, ainsi que les petites Gabrielle B. Thuot et Mia Drolet complètent une distribution sans fausse note.
Si le film traite de sujets plutôt sombres, comme l'alcoolisme, la pauvreté et la mort, la lumière triomphe de l'ombre, la plupart du temps. La candeur de l'enfance réussit à embellir même les idées les plus sinistres. La réalisation de Patrice Sauvé met à profit la relation bienveillante entre la petite et le vieux sans excès de style. Les nombreuses scènes de nuit sont particulièrement splendides et évocatrices. La reconstitution historique s'avère, elle, impeccable. Tout a été réfléchi afin de transporter le cinéphile au coeur d'un quartier populaire dans les années 1980, de la marque des voitures stationnées sur le bas-côté aux friandises mangées par les enfants. Ce voyage dans le temps fonctionne à merveille.
Vous dire que La petite et le vieux ne génère que de bons sentiments seraient, par contre, un mensonge. Des larmes couleront assurément sur vos joues à un moment ou à un autre. Les mouchoirs ne devront pas être bien loin. Mise à part une fin qui s'étire inutilement, le scénario, parsemé de répliques colorées d'une parlure québécoise populaire, se révèle d'une brillante efficacité. Qu'on ait lu ou pas le roman original, La petite et le vieux s'avère un divertissement poignant, lucide et vivifiant.