Sélection de la France pour l'Oscar du Meilleur film international, La passion de Dodin Bouffant est un hors-d'oeuvre appétissant qui se digère cependant trop rapidement.
Quels sont les longs métrages les plus succulents du septième art? Le festin de Babette? Chocolat? The Lunchbox? Il faudra maintenant ajouter La passion de Dodin Bouffant à cette catégorie sélecte.
La nourriture est le personnage principal du récit. Elle est montrée longuement et dans le détail (mention spéciale à la succulente séquence d'ouverture en plan-séquence), de sa préparation jusqu'au moment où elle se fait engloutir. L'oeuvre prend son temps pour titiller les sens, rendant presque palpable l'odeur, le goût, la vue et le toucher. Peu importe les répétitions, ce qui est important, c'est de montrer les textures et les saveurs de la cuisine française. De quoi ressortir de la projection avec une faim de loup, prêt à tout dévorer.
Et l'histoire là-dedans? Elle demeure secondaire. Cette adaptation très libre du roman suisse de Marcel Rouff publié en 1924 s'intéresse aux relations fictives entre un gastronome et sa cuisinière dans la France de 1885. Dodin (Benoît Magimel) travaille depuis 20 ans avec Eugénie (Juliette Binoche), et leur amour ne se limite pas seulement à la cuisine. Ils ont développé des plats uniques qui attirent des clients du monde entier. En compagnie de leurs convives, ils passent leur temps à parler avec volupté.
Toute la partie narrative n'est pas d'un grand intérêt. Malgré l'apport de thèmes probants comme le désir de liberté, l'émancipation féminine, l'amitié et la transmission, le scénario demeure faible et prévisible. Il est à ce point peu relevé que les comédiens n'ont pratiquement rien à se mettre sous la dent.
Il est vrai cependant que la relation entre les deux protagonistes s'échappe des modèles usuels. Il n'y a point de conflit entre eux : que de l'amour, de la tendresse et le désir de préparer les meilleures recettes possibles. Cette absence d'enjeux fait rapidement plafonner l'effort, qui traîne en longueur avec ses 135 minutes.
Benoît Magimel et Juliette Binoche font fi de la superficialité de leurs personnages en offrant des compositions attachantes. Leur chimie s'avère indéniable. Le vécu de cet ancien couple à la ville est palpable, même si le résultat final est aussi peu mémorable que lors de leur précédente rencontre cinématographique : dans Les enfants du siècle de Diane Kurys, en 1999.
S'il n'y a rien qui ressemble plus à une oeuvre à costumes qu'une autre oeuvre à costumes, celle-ci ne se veut pas trop académique et poussiéreuse, se déroulant au rythme des saisons. Au contraire, la réalisation souple et précise surprend dans son utilisation des mouvements, apportant une sensualité qui est la bienvenue. Le long métrage a remporté plus tôt cette année le prix de la mise en scène au Festival de Cannes, ce qui a permis de rétablir dans les bonnes grâces son cinéaste Tran Anh Hung (Caméra d'Or en 1993 pour L'odeur de la papaye verte), dont les dernières créations laissaient à désirer.
On voudra peut-être voir La passion de Dodin Bouffant pour s'ouvrir l'appétit, même si au final, le film finit par laisser un goût amer.