Ces dernières années, qu'il atteigne des sommets de pertinence comme avec The Wind That Shakes the Barley ou qu'il s'intéresse aux conditions difficiles des plus démunis dans un contexte contemporain comme avec It's a Free World..., le réalisateur anglais Ken Loach a toujours dans ses films un sous-texte social qui donne la parole à ceux à qui le cinéma, un art naturellement bourgeois, l'a enlevée. Qu'il soit au niveau de la reconstitution historique ou au niveau du conte ou de la fable, comme c'est le cas ici, le réalisateur célèbre des valeurs humaines d'entraide, de communauté, de débrouillardise (donc de travail, premier facteur de départage entre riches et pauvres, selon une idéologie de droite) et d'opportunité pour raconter une histoire engageante; une histoire simple, mais efficace.
Dans le récit de ce jeune homme nommé Robbie, qui cherche à tirer un trait sur son passé pour donner une vie respectable à son nouveau-né et à sa copine alors que tout le monde veut le voir échouer, se dessine le portrait d'une jeunesse pleine de bonnes intentions qui est incapable de se respecter suffisamment pour gagner le respect des autres. Robbie veut se sortir de ce cercle vicieux, et il prend les moyens pour y parvenir.
Comique et tragique, le récit est dynamique et explore, avec intelligence, des routes rarement explorées, dans le pays du whisky. Chaque nouvelle péripétie apparaît donc comme une surprise, et non sans ironie le réalisateur parvient à maintenir ensemble un récit qui pourrait tant de fois tomber dans le larmoiement et les bons sentiments exacerbés. Heureusement, il n'en est rien, et chaque situation risquée est désamorcée par un habile retournement dramatique, souvent très drôle.
Vrai que les acteurs n'ont pas tous le même talent et que certaines scènes et dialogues sonnent faux, en plus de ralentir le rythme qui est parfois chambranlant, mais The Angels' Share se maintient habilement sur une fine ligne d'optimisme qui, rationnellement, est absurde, mais qui passe le test du cinéma. On passe un bon moment, qu'on en tire une leçon ou juste un passe-temps. Bien sûr, l'expérience, le talent et l'implication sociale de Ken Loach y sont pour beaucoup.
Bien sûr, Loach raconte ici l'histoire d'un crime sans victime, ce qui est très rare. Cela affaiblit considérablement la force de l'illustration, plaçant le film dans un contexte de conte, mais pas la force du récit, qui est habilement mené malgré plusieurs personnages disparates et un enjeu relativement simple. C'est la force du commentaire social qui ressort ici, et il est puissant et éloquent, même si l'histoire ne réinvente rien.