La maison du pêcheur raconte une histoire intéressante - là n'est pas la question, nous le verrons - en abordant de manière originale une époque inscrite dans la culture collective québécoise. Le film a même parfois des moments plus instructifs qui s'avèrent assez bien construits, car ils misent sur la tension sous-entendue de la Crise d'octobre, qui est un moment marquant de notre histoire. Cependant, les personnages stéréotypés, la musique omniprésente (et affreuse) et une réalisation simpliste nuisent beaucoup à la valeur cinématographique du long métrage d'Alain Chartrand, qui le dédie « à son père syndicaliste ». Quant à la valeur sociale... disons que le parti pris est tellement clair, avant même la projection, qu'il est difficile d'aborder le film comme « véridique », ou même « honnête », ce qui fait que les gens qui entrent convaincus le sont encore plus à la sortie, et que les autres risquent de se braquer et de ne rien vouloir entendre. Dramatiquement, c'est aride.
Même si l'histoire de La maison du pêcheur est très, très simple (elle tient en une phrase : Lorsque les frères Rose et Francis Simard se rendent à Percé pour ouvrir « La maison du pêcheur », ils se butent aux autorités locales), le récit est tout de même fort intéressant; parce qu'il précède les événements d'octobre 70, il tire sa force de balises historiques reconnues et de personnages historiques marquants. Puis, le cinéma, art de l'ellipse, fait son oeuvre, et ce sont des morceaux choisis d'un été très spécifique qui nous sont montrés. Les liens de cause à effet y sont faibles, et le parti pris clairement établi; cela rend l'exercice un peu étouffant narrativement que d'avoir si peu de nuances.
À l'exception des quelques protagonistes principaux (et plus précisément de Paul Rose, incarné avec efficacité par Vincent-Guillaume Otis), tous les personnages sont bêtement stéréotypés et représentent maladroitement une seule idée forte chacun, ce qui devient rapidement redondant. La plupart des acteurs ont cependant suffisamment de coffre pour demeurer convaincants (on pense à Nicolas Canuel, Luc Picard et Raymond Bouchard, qui se tirent très bien d'affaire), ils sont apparemment bien dirigés et ils transmettent un idéalisme crédible, ce qui n'était pas une mince affaire.
Cela dit, le noir et blanc dans lequel est présenté le film est particulièrement fade. On s'explique difficilement ce choix vu le peu d'élégance du procédé, qui est inexplicablement terne et qui n'ajoute rien au récit.
Le problème de La maison du pêcheur se résume simplement : cinématographiquement trop faible pour se démarquer des autres, et moralement et thématiquement trop ambigu (certains diraient « engagé », cela dépend) pour être envisagé comme crédible, le film perd à la fois deux publics, les cinéphiles et les amateurs d'histoire. C'est un problème qui revient souvent lorsqu'il est question de cinéma, la forme d'art qui est sans doute la plus près de l'étude sociologique. Nécessaire pour certains, simplement faux pour d'autres, le film n'a pas les qualités cinématographiques nécessaires pour faire oublier son engagement politique très polarisant.