Si jamais, comme on essaie de le présenter ces dernières années, le cinéma québécois est véritablement en pleine effervescence et que sa diversité nouvelle en est la preuve la plus probante - avec l'émergence de « films de genre » spécifiquement conçus pour des publics précis, sur des sujets précis - l'arrivée de La ligne brisée n'était qu'une question de temps. La boxe est de plus en plus populaire au Québec (depuis qu'il y a des gagnants, en fait) et le nouveau film de Louis Choquette, qui fait de deux boxeurs ses personnages principaux, ne pouvait pas mieux tomber.
Sébastien Messier se prépare pour un combat de championnat du monde avec son bon ami Danny Demers. Les deux boxeurs commettront cependant une grave erreur qui brisera leur amitié et qui les laissera rivaux de tous les instants, cinq ans plus tard, alors que Demers est le nouveau champion du monde. Leurs différends ne pourront se régler que sur le ring.
Réalisé avec beaucoup d'expertise, le film est d'une grande efficacité. Cela n'exclut pas nécessairement une omniprésence maladroite des nombreuses ficelles d'un scénario trop académique, trop rigoureux, trop justifié devant Dieu et les hommes; mais la réalisation baignée de lumière de Choquette et les performances inspirées des acteurs demeurent de bons moments de cinéma. Guillaume Lemay-Thivierge et David Boutin se surpassent physiquement et défendent des personnages crédibles qui passeront rapidement pour des chums auprès du public, particulièrement à cause du langage et du naturel de leur jeu, même face à l'adversité et à l'émotion qu'impose le schéma narratif dans le cinéma populaire. Ses mécanismes sont trop bien exposés, même si une bonne partie du public n'y verra rien d'inhabituel.
Dommage que les personnages principaux, si scrupuleusement conséquents et définis, perdent un peu de leur humanité quand ils sont exactement là où on les attendait. Aucune surprise dans l'enchaînement dramatique, les décisions sont toujours motivées et soulignées par un événement du passé qu'on ne manque pas de montrer à l'aide d'un flash-back et qui vient expliquer. Le contraire absolu serait pire encore, certes, mais à ce point, les personnages séduisent un peu moins et on a une vague impression de répétition.
Les nombreux sauts temporels du scénario permettent cependant d'augmenter les enjeux du combat de boxe final et de le rendre plus intéressant et vivant même pour ceux qui n'auraient aucun intérêt à voir deux individus à l'air patibulaire se taper dessus sous les applaudissements de la foule. La réalisation de Louis Choquette, surtout connu pour son travail à la télévision, est fluide et utilise brillamment la lumière, naturelle ou artificielle, mais ne se permet pas d'émotions artificielles. Les personnages sont des adultes et agissent en conséquence, ils prennent des décisions, sont orgueilleux (pour le bien du scénario) mais assument leurs décisions et les impératifs de leur métier. Le travail sur le son est aussi d'une grande efficacité dramatique.
La ligne brisée est donc un drame sportif qui fonctionne dans les deux domaines. La boxe y est présentée comme un sport sérieux et crédible (il n'y a aucune raison pour que ce ne soit pas le cas) et le drame évite les excès malgré quelques maladresses, dont une coïncidence peu convaincante. Mais quand même, l'intensité de la vie des boxeurs est palpable, les deux personnages principaux sont bien défendus et sérieux. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, pour continuer dans l'esprit.
Réalisé avec beaucoup d'expertise, le film est d'une grande efficacité. Cela n'exclut pas nécessairement une omniprésence maladroite des nombreuses ficelles d'un scénario trop académique, trop rigoureux, trop justifié devant Dieu et les hommes; mais la réalisation baignée de lumière de Choquette et les performances inspirées des acteurs demeurent de bons moments de cinéma.