Pour se mesurer à des monstres de l'animation comme Pixar, Blue Sky ou DreamWorks quand on est une petite entreprise québécoise, il faut avoir des couilles ou être légèrement inconscient. Mais, en même temps, pourquoi pas? Nous avons au Québec le talent nécessaire pour produire une oeuvre aussi compétente et intéressante que celle des géants américains... C'est le budget publicité et marketing qui est déficient face aux titans du divertissement familial. Heureusement, cette carence monétaire ne transparaît pas nécessairement à l'écran dans le cas de La légende de Sarila. Les « dessins » sont compétents, quoique carrés (une version pimpée des personnages des Cités d'or), et la musique, entraînante. Le film est, avouons-le, plusieurs crans derrière les productions de nos voisins du Sud, mais, il est armé d'une âme particulière qui le sauve sur bien des points. Un caractère particulier, sans prétention, qui atteint le coeur enneigé québécois.
Ce n'est pas parce qu'on est au Québec, par contre, que la stéréoscopie trouve un sens au sein du septième art. Le 3D est inutile, mais comme c'est le cas de presque tous les films d'animation (et les autres), nous n'en ferons pas de cas particulier et ne nous étendrons pas encore sur l'inutilité de cette technologie et son imperfection. Nous en avons déjà suffisamment parlé...
L'histoire de La légende de Sarila est, somme toute, assez simple, du moins plus que le nom de ses protagonistes qui feront probablement sourire les enfants, peu familiers - pour la plupart - avec ce genre de prononciations rigoureuses (Croolik, Kouatak, Poutoulik, Markussi, Apik). Trois adolescents sont choisis pour partir à la découverte d'une terre promise qui pourrait sauver leur village de la famine. Les personnages sont attachants, les décors sont enchanteurs, l'aspect fantastique transcendant et les épreuves que les héros doivent surmonter pertinentes. On a même pensé à ajouter un petit personnage secondaire mignon - un lemming au fessier rebondi - qui rejoint les plus petits et ajoute une sympathie supplémentaire.
Seulement, l'intérêt d'universalité, celui de toucher le plus large public possible, entraîne une certaine facilité, une impression de déjà-vu qui compromet l'originalité de l'oeuvre. C'est évident qu'on ne peut complètement réinventer le genre si on espère un succès populaire, mais on semble ici respecter un schéma actanciel au pied de la lettre, s'y coller si intégralement qu'on en oublie d'être créatif. Certes, cette idée de placer l'histoire dans le Grand Nord en fait une oeuvre à part, presque inédite, mais mis à part ce décor exotique stimulant, la trame narrative reste assez linéaire, prévisible et parfois redondante, ce qui ne l'empêche pas, par contre, de maintenir une certaine efficacité tout au long du récit.
Les acteurs qui prêtent leurs voix aux protagonistes dans la version française s'avèrent, pour la plupart, très habiles dans leur rôle respectif. Guillaume Perreault, Maxime Leflaguais et Mario Saint-Amand - on n'aurait pu imaginer meilleur candidat pour incarner ce chaman maudit - font un travail impeccable et nous font croire aux personnalités éclectiques des personnages. Mariloup Wolfe est, elle aussi, compétente, mais on la reconnaît trop pour lui permettre de disparaître complètement derrière Apik, l'une des élus devant partir à la découverte de Sarila.
La légende de Sarila a été réfléchi longtemps et retourné de plusieurs manières avant de trouver son écho idéal, c'est évident, mais certaines longueurs laissent un goût amer au spectateur qui aurait espéré plus d'audace et moins de conformisme. Mais bon, le film de Nancy Florence Savard possède beaucoup de qualités, beaucoup de potentiel, qui parvient à nous faire oublier ses quelques petits défauts.