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Vilaine vilaine Amérique
Une œuvre à la David Lynch qui multiplie les métaphores douteuses sur la décadence de l'Amérique. Martin Dubreuil sauve le film.
Noir c'est noir (et opaque!)
On ne peut pas renier certaines qualités au film du québécois Maxime Giroux. Il s’essaye à un cinéma différent et non consensuel, en dehors de toute mode même. Peu d’exemples viennent en tête pour comparer « La Grande Noirceur » a quelque chose d’existant. Peut-être y voit-on sur le fond comme sur la forme des airs du « There will be blood », l’œuvre fleuve et pompeuse de Paul Thomas Anderson, acclamé à (à tort ?) un peu partout dans le monde. Contexte similaire, long-métrage rude et bourré de métaphores sur une époque et un idéal. Mais après tout pourquoi vouloir comparer le film de Maxime Giroux à d’autres tant celui-ci se fraye une voie quasiment unique en rapport à ce que l’on peut voir dans le cinéma contemporain. Malheureusement son film n’en demeure pas moins une œuvre austère, opaque, parfois pénible et au rythme lancinent. On s’en veut même de ne pas avoir apprécié le voyage tant le cinéaste tente quelque chose de différent…
« La Grande Noirceur » est pétrie d’indéniables qualités qu’il faut néanmoins souligner. La photographie de Sarah Mishara est en tous points exceptionnelle, offrant au spectateur des plans sublimes dans l’Ouest désertique canadien ou sur un village fantôme (qui ressemble à s’y méprendre à celui de Bodie en Californie). L’interprétation d’un casting international investi est irréprochable tout comme la très belle (et très sombre) musique du compositeur Olivier Alary. Il y a même quelques séquences en apesanteur comme celle ou le héros se prend d’une imitation de Chaplin sous la musique de « Everybody hurts » de R.E.M qui sont exceptionnelles. Mais tout cela est au service d’un film au fond bien trop exsangue, manquant de clés de compréhension tangibles. Les films où l’on se perd peuvent être jouissifs (« Mulholland Drive », « Donnie Darko », …) mais ici c’est davantage fatiguant qu’autre chose. Et le rythme très lent, les nombreuses logorrhées verbales et l’absence de repère spatio-temporel (ou très vagues) rendent la projection longue et fastidieuse. Le film pourra plaire aux initiés et aux adeptes d’un cinéma hors des sentiers battus mais il risque surtout de se retrouver face à un public perdu.
On peut voir beaucoup de choses sans en être intimement persuadé dans « La Grande Noirceur ». Ou alors il faut bien lire le dossier de presse avant ou connaître les intentions du metteur en scène après s’être entretenu avec lui. On perçoit clairement des ponts établis entre ce qui vit le héros et le monde d’aujourd’hui, empreint de violence et empli de nations avec à leur tête des hommes belliqueux (coucou Trump ou le brésilien Bolsonaro). En filigrane, une critique de l’Amérique actuelle se fait donc sentir, le désir d’indépendance de la Belle Province (peut-être ?) aussi… On peut y voir également une allégorie sur la société de consommation, une fable onirique sur la complaisance de nos sociétés pour la violence éventuellement. C’est beaucoup et c’est lourd pour si peu de développement. Les thématiques sont certainement fortes mais restent bien trop vagues et lointaines pour pleinement convaincre. On reste donc souvent sur le carreau, incrédules devant tant de talent mis en œuvre au service d’un propos abscons et, il faut l’avouer, quelque peu soporifique. La fable étrange de Maxime Giroux est une proposition de cinéma intense et originale mais trop peu aimable pour convaincre. Au contraire, elle pourrait faire fuir…
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