Que ce soit au petit ou au grand écran, le public entretient depuis longtemps une fascination pour les intrigues carcérales.
Il y a, certes, quelque chose de fascinant - et de puissant sur le plan dramatique - dans les récits d'individus ayant souvent commis l'irréparable, mais demeurant malgré tout des êtres humains à part entière, avec leurs zones d'ombre comme de lumière - celles-ci variant, évidemment, d'un détenu à l'autre.
Avec La fonte des glaces, François Péloquin propose une piste de solution en ce qui a trait à la réhabilitation des prisonniers. Le cinéaste québécois nous invite à nous familiariser avec le quotidien d'une aile expérimentale d'un centre d'incarcération où des détenus ayant été condamnés pour meurtre(s) obtiennent une réelle opportunité de se reconstruire, et d'aspirer à la rédemption.
Ces lieux sont sous la supervision de Louise Denoncourt (Christine Beaulieu), une agente de libération conditionnelle qui doit se battre tous les jours avec les hautes instances du système pénal pour défendre la validité de son projet, en plus d'endurer les remarques désobligeantes de gardiens croyant en des traitements et des méthodes beaucoup plus traditionnels.
Le mandat de Louise prend toutefois une tournure inattendue lorsque l'ancien tueur à gages Martin St-Germain (Lothaire Bluteau) débarque dans son aile pour purger les derniers mois de sa sentence. La principale intéressée reconnaît l'homme, que son père (Marc Béland) a toujours soupçonné d'être le responsable de la mort de son épouse.
François Péloquin croise ainsi l'approche plus réaliste avec laquelle il observe son environnement à certains élans flirtant davantage avec le thriller afin de confronter sa protagoniste à ses propres convictions.
Pourra-t-elle traiter Martin comme n'importe quel autre détenu tout en sachant de quoi il est peut-être coupable? Pourra-t-elle s'engager avec lui dans ce processus transformateur, et surtout continuer de croire que tout le monde mérite une seconde chance?
Bien que ces questions soient omniprésentes, et poussent peu à peu Louise à commettre des gestes plus ou moins éthiques pour étancher sa soif de réponses, l'essence de La fonte des glaces demeure dans les interactions entre ses différents personnages, dans les manifestations de bienveillance, dans la naissance de projets communs, mais aussi dans les réactions à fleur de peau.
Le film est d'ailleurs à son meilleur lorsque la caméra de Péloquin semble prendre un pas de recul pour capter ces moments de complicité de manière authentique. On pense, entre autres, aux séquences de chant et de répétition musicale, et à certains échanges père-fille semblant avoir été pris sur le vif entre les personnages interprétés par Christine Beaulieu et Marc Béland.
Les superbes séquences de canot à glace incarnent et imagent allègrement le coeur du récit dans leur représentation de l'effort de groupe, des sentiments de liberté et de renaissance, et de la nécessité de s'adapter à tout environnement et de faire face aux obstacles plutôt que de les contourner.
Même si l'intention sert une idée précise, le scénario de Péloquin et de Sarah Lévesque a toutefois tendance à manquer de nuance dans sa façon de pousser son discours, antagonisant systématiquement la quasi-totalité des acteurs de la prison ne faisant pas partie du projet de Louise.
Le long métrage aurait aussi gagné à accorder un peu plus de temps au développement des personnages secondaires, et à souligner davantage les menus détails de la proposition en s'immisçant dans cette expérience fictive quelque part à mi-chemin plutôt qu'à la fin.
L'ensemble est néanmoins défendu avec fougue et conviction par le duo formé de Christine Beaulieu et du trop rare Lothaire Bluteau. Ce dernier incarne avec autant d'aplomb que de sensibilité le caractère brisé et vulnérable d'un individu cherchant continuellement à se détacher de ses émotions, mais n'ayant jamais à se faire prier pour s'approcher de la lumière qui lui est proposée.
Au final, La fonte des glaces s'impose comme un drame carcéral cherchant - et parvenant à bien des égards - à faire oeuvre utile par l'entremise d'un cas de figure fort substantiel, mais qui a aussi tendance à couper les coins ronds pour arriver à ses conclusions.