Il y a périodiquement au cinéma de ces déceptions crève-coeur dont nous avons du mal à nous remettre. The Girl on the Train, inspiré du bestseller de Paula Hawkins, fait partie de ces regrets cinéphiliques. Cette histoire était tellement riche, tellement intrigante et ingénieusement complexe qu'on ne peut se résoudre à son échec. Tate Taylor, qui nous a notamment donné The Help, a visiblement voulu nous livrer un film de la trempe de Gone Girl de David Fincher, mais Taylor n'est pas Fincher...
Son Girl on the Train manque d'intensité et de nuances. La plupart des scènes sont trop molles et douillettes pour maintenir le spectateur en haleine. Il y en a bien quelques-unes qui étonnent et émeuvent, mais peu nous bouleversent, comme elles auraient pourtant dû le faire (comme Gone Girl l'avait si bien fait). Le réalisateur a affublé son récit d'une mélancolie trainante qui l'alourdit au lieu de le renforcer. Ses nombreux gros plans ne trouvent pas d'échos évocateurs au sein de la narration comme il le devrait. Ni l'émotion ni le vertige des personnages ne traversent l'écran pour atteindre le public. On a trop souvent l'impression d'assister à un téléfilm, un bon téléfilm, mais un téléfilm quand même.
Pourtant, comme on le disait plus haut, cette histoire est tellement étoffée, tellement bien écrite et étonnante que cette lourdeur qu'elle porte en elle nous gêne rapidement et nous désole. Cette idée - au centre du récit - de la femme alcoolique qui a assisté à un meurtre, mais qui n'arrive pas à se souvenir de la logique des évènements à cause des trous noirs provoqués par sa surconsommation de spiritueux est une alternative fort intéressante pour expliquer l'amnésie des témoins/suspects dans un thriller. Et ces cinq personnages composites mystifient le spectateur qui tente de résoudre l'énigme derrière la disparition de Megan.
Emily Blunt, qu'on a significativement enlaidie pour qu'elle rende adéquatement ce personnage d'alcoolique désespérée, est brillante à l'écran. L'actrice livre une performance nuancée et intense qui sauve un peu la mise. Luke Evans, sexy et imprévisible, est aussi excellent dans le rôle du mari violent et passionné, tout comme Rebecca Ferguson, qui interprète une mère et une femme mystérieuse dont on arrive difficilement à connaître les véritables intentions. Mais c'est Haley Bennett, sous les traits de la libertine et morose Megan, qui épate le plus.
Ceux qui ont lu le livre qui a inspiré le film n'auront malheureusement pas autant de plaisir à découvrir le long métrage que les néophytes de l'univers créé par Hawkins. Le film, dans sa forme et ses impacts, n'apporte rien de plus au roman. L'histoire reste l'élément le plus intéressant de l'oeuvre filmique et comme les bouquineurs connaissent déjà la conclusion de celle-ci, ils resteront certainement sur leur faim.