À nos yeux, si le cinéma québécois a l'une des plus belles cinématographies mondiales, c'est à cause des créateurs et de leur diversité. Ils viennent de toutes les régions, de tous les milieux, ont appris ou non le cinéma à l'école... C'est aussi - et on le néglige parfois - grâce à la puissante culture du court métrage qui y règne; ces courts films servent souvent à peaufiner la maîtrise de tous les aspects de la fiction, de la narration à la mise en scène, en passant par le jeu et par le montage. Le court métrage, c'est une école et c'est un art qui permet d'affiner son style, sa signature cinématographique. Il nous semble clair que La fille du Martin aurait dû en être un, on en aurait ainsi gardé les forces et éliminé bien des faiblesses.
Car déjà, dans la durée, ce film de 82 minutes réalisé par Samuel Thivierge, qui incarne aussi le personnage masculin principal, a plusieurs problèmes. Inutilement étiré, le récit a de nombreuses longueurs et redondances qui ne contribuent pas à renforcer le récit, mais qui au contraire diminuent son efficacité. Si bien qu'avec un esprit de synthèse un peu mieux affûté, on aurait pu garder l'essentiel seulement et raconter le coeur de cette histoire. Les enjeux auraient non seulement été plus forts dramatiquement, mais aussi plus convaincants en général, puisque la plupart sont extrêmement prévisibles.
Même chose pour les interprètes qui sont tantôt efficaces, tantôt maladroits. La plupart des personnages secondaires, des acteurs non-professionnels, jouent à la limite de leur capacité (excepté Nathalie Cavezzali, une actrice talentueuse qu'on voit trop rarement), mais Samuel Thivierge et la protagoniste principale incarnée par Catherine Michaud démontrent parfois une belle véracité dans la complexe relation amoureuse juvénile que vivent les personnages. Malheureusement, d'autres fois, le texte est trop lourd et le ton trop récité, et l'illusion est complètement gâchée.
Si la mise en scène et la caméra ont elles aussi leurs quelques bons moments, ils surpassent rarement une beauté de carte postale complètement vide de sens (surtout les plans aériens). Ce n'est pas tout de faire des images, il faut aussi leur faire dire quelque chose; le cinéma est un langage, après tout... Ici, on a plutôt l'impression que la caméra suit simplement les obligations du récit, sans en dire plus. Cette histoire qui, on le répète, n'a rien de très original...
Au final, La fille du Martin est réalisé dans le mauvais contexte et souffre grandement de ne pas convenir à son médium. Tout n'est pas raté et certains moments, certaines répliques et/ou certains regards sont intéressants, mais pas suffisamment pour que l'ensemble soit convaincant.