Le premier long métrage d'Onur Karaman, La ferme des humains, propose quelques éléments originaux significatifs qui ne parviennent cependant pas à dynamiser son récit « minimaliste » (c'est le moins qu'on puisse dire). Les personnages, quoique parfois drôles, sont prisonniers de ce contexte intransigeant, de ce cercle vicieux où leur définition est de ne rien faire. C'est l'objectif, c'est l'intention, qu'ils ne fassent rien, mais il reste tout de même qu'ils ne font... rien. Mais rien.
Pourtant, au début, on s'amuse de les voir ne rien faire (i.e. fumer du pot et boire toute la journée). La conviction des comédiens est impressionnante, les dialogues souvent réalistes (à défaut d'être transcendants), et quelques situations sont cocasses. Mais une fois que le film s'ouvre - aux parents de Karim, par exemple, à un voisin mélomane -, alors qu'il pourrait établir son hypothèse centrale, son discours propre (peut-être sur les immigrants? sur les préjugés? le racisme?), il atteint plutôt les limites de son éditorial; presque aussi rien que ce que font ces jeunes. Le dénouement en fera par la suite à nouveau la preuve.
C'est sans doute plutôt le résultat, ce qui reste une fois le film terminé, qui est décevant, car on est tout au long du récit dans l'attente d'une résolution, d'un sous-texte qu'on ne trouve finalement jamais. On l'a déjà dit, les deux comédiens principaux sont le plus souvent efficaces - on ne peut cependant en dire autant des rôles secondaires - et leurs dialogues sont souvent drôles, mais le portrait de ces losers étrangement attachants tombe à plat.
La réalisation de Karaman démontre cependant beaucoup d'originalité et d'inventivité et tient pratiquement le film ensemble, la caméra étant habilement manipulée lors de plans-séquences inventifs et audacieux. Certaines séquences en mettent trop, mais en général, les enjeux sont créés à l'intérieur du cadre par le travail de mise en scène, et ce qui est montré est tout aussi important que ce qui ne l'est pas.
Au final, l'adresse évidente de la réalisation est le principal point positif du long métrage, qui a sinon beaucoup de mal à formuler une hypothèse crédible ou même à former un univers plausible. Ce parc comme bien d'autres, situé au coeur d'un quartier multiethnique, peuplé de jeunes qui passent leur journée à s'insulter, est sans doute le symptôme d'une société qui ferait le sujet d'un film excitant. Une autre fois.