Pour son premier long métrage, Monia Chokri propose une comédie dramatique intelligente, incisive, pertinente et franchement émouvante. Elle explore un sujet - la relation fusionnelle et unique qu'entretiennent un frère et une soeur - peu développé au cinéma, tant ici qu'ailleurs dans le monde, qui arrive à toucher droit au coeur les spectateurs de toutes origines.
La séquence d'ouverture, à la fois hilarante et foncièrement franche, donne le ton à l'ensemble de la production. Des professeurs sont réunis dans une salle de cours afin de juger la thèse de doctorat particulièrement pointue de la protagoniste, Sofia. Le groupe d'acteurs, dont fait partie Marie Brassard et Paul Savoie, est délectable dans leur rôle de superviseurs injustement intransigeants. Seulement pour cette scène, magnifiquement jouée et écrite, le film en vaut le détour. On note aussi plusieurs autres moments forts dans la comédie, notamment cette séquence de double dialogue alors que le frère et la soeur se chicanent férocement à la résidence familiale ainsi que cette fête bien arrosée lors de laquelle Sofia constate sa déchéance.
L'écriture volubile de Monia Chokri s'avère certainement l'une des forces de son premier film. La jeune cinéaste propose des textes bavards qui nous submergent. Comme les personnages s'expriment avec beaucoup de verves, les silences qui parsèment la production sont d'autant plus éloquents. Les interstices, souvent musicaux, confèrent une personnalité particulière à l'oeuvre. Ils auraient pu, par contre, être légèrement écourtés à certains endroits, afin de rendre la proposition, qui tombe parfois trop abruptement dans la poésie, plus accessible. D'ailleurs, la dernière scène sombre dans un romantisme lyrique qui agace, malgré la qualité évidente de sa réalisation.
La comédienne Anne-Élisabeth Bossé porte le film sur ses épaules avec beaucoup d'agilité. Elle brille dans le rôle de cette femme dans la mi-trentaine qui, malgré son haut niveau d'éducation, n'arrive pas à se trouver d'emploi. La chimie qu'elle a développée avec Patrick Hivon, qui interprète son frère, transcende l'écran. Le public croit d'emblée à l'affection que partagent ces deux alter ego. L'actrice Evelyne Brochu s'avère aussi particulièrement épatante sous les traits de cette femme élégante que fréquente le frère de Sofia. Douce, compréhensive, aimable et accomplie, elle dérange profondément la protagoniste qui n'apprécie pas son agaçante perfection. Micheline Bernard, Magalie Lépine-Blondeau, Mani Soleymanlou et l'ensemble de la distribution étonnent aussi. Il n'y a eu aucun faux pas dans le choix des comédiens, tous sont convaincants et crédibles. Il faut dire que Monia Chokri, comédienne elle-même, dirige ses acteurs avec compétence.
Même si la première moitié est plus forte que la seconde, La femme de mon frère mérite amplement son prix remporté récemment à Cannes. Meilleur film québécois de l'année jusqu'à présent, le premier long métrage de Monia Chokri saura vous dérider et vous émouvoir. Une oeuvre à ne pas manquer!
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