Étant donné que The Lobster et The Killing Of A Sacred Deer étaient des films tellement « champ gauche », particuliers, fascinants, mais également inquiétants et sinistres, j'appréhendais quelque peu The Favourite, craignant vivre à nouveau une forme de traumatisme. Finalement, cette nouvelle proposition est beaucoup plus accessible que les deux films précédents de Yorgos Lanthimos. On y retrouve, certes, la même folie singulière du cinéaste grec, mais elle est plus contenue et dosée.
En apparence, The Favourite rappelle le drame historique conventionnel : des décors somptueux, des tenues fastueuses, un langage aristocratique, des problématiques administratives et militaires, mais sous l'écorce se cachent une histoire perverse, des répliques salaces et des conflits venimeux entre des femmes fortes qui ne s'en laissent pas imposer. Lanthimos dirige avec intelligence le spectateur au coeur de ce freak show royal. Ce film est brodé dans un humour noir qui décoiffe. À travers le langage raffiné, on retrouve des pointes de vulgarité qui peuvent certainement écorcher les oreilles sensibles, mais qui apportent au film un aspect comique inattendue.
À la tête de ce cirque monarchique, on retrouve un brillant trio d'actrices, composée d'Olivia Colman, de Emma Stone et de Rachel Weisz. Les trois comédiennes bénéficient chacune de leur moment de gloire. Elles offrent des performances si panachées et solides qu'il devient impossible de détourner son regard de ces vipères qui s'empoisonnent progressivement et mutuellement l'existence. Notons aussi l'excellent travail de Nicholas Hoult, un gentilhomme qui s'efforce de tirer profit du pouvoir dont jouissent certaines femmes du royaume.
La réalisation de Lanthimos n'est que la cerise sur le gâteau. Ses spectaculaires grands-angles nous chavirent de scène en scène, tout comme sa trame sonore théâtrale. On a parfois l'impression d'entrer dans le tableau d'un grand peintre du XVIIe siècle et d'y découvrir, avec stupéfaction, une histoire bien différente de celle que les historiens ou les conservateurs de musée nous ont racontée. Et, on adore ça!
Dans cette ère du #moiaussi et des revendications des femmes pour l'égalité, ce film tombe à point. C'est pourquoi on peut s'imaginer que les votants de l'Académie seront plus enclins à choisir cette proposition pour le grand prix des Oscars en 2019. Quoi qu'il en soit, The Favourite est une oeuvre fantastique et mémorable, qu'on ne doit pas manquer, surtout sur grand écran, car sa grandiloquence en est d'autant plus tranchante.