Marchant dans les pas du remake de West Side Story, The Color Purple dépoussière un classique en rappelant que ses thématiques sociales et familiales demeurent toujours d'actualité.
Dans les souvenirs de nombreux cinéphiles, The Color Purple qui porte sur le parcours difficile d'une femme afro-américaine vivant dans le sud des États-Unis au début des années 1900 est le premier film «sérieux» de Steven Spielberg. Grâce à la musique légendaire de Quincy Jones et une distribution impressionnante (qui comprenait Whoopi Goldberg, Danny Glover et Oprah Winfrey), le long métrage a décroché pas moins de 11 nominations aux Oscars.
Cette relecture n'est pas une reprise du film de 1985, mais plutôt une adaptation du musical qui a été présenté sur Broadway de 2005 à 2008, puis avec encore plus de succès en 2015. Une variation qui s'inspire également du livre d'Alice Walker (prix Pulitzer en 1982) et qui raconte sensiblement la même histoire, mais sur un ton différent.
Pour apprécier le résultat final à sa juste mesure, il faut évidemment être sensible au genre. Le drame musical ne prend pas ici la forme d'un La La Land ou d'un Dancer in the Dark, mais d'un In the Heights, Chicago ou autres Les Misérables. Ce sont les chansons qui mènent le bal, étant autant sinon plus importantes que les personnages. Des mélodies accrocheuses qui deviendront rapidement des vers d'oreille et qui permettent à la pauvre protagoniste (Fantasia Barrino) de rêver de liberté, loin d'un mari (Colman Domingo) violent.
Le travail de mise en scène s'avère exemplaire. La transposition arrive à être cinématographique dans ses choix de décors splendides et de mouvements élaborés de caméras, ne manquant surtout pas d'ampleur et d'élégance. Les moments dansés et chantés sont souvent filmés comme des vidéoclips de la part du talentueux cinéaste ghanéen Blitz Bazawule (réalisateur de l'excellent The Burial of Kojo) qui sait relever la beauté à l'écran. Dommage que plusieurs de ces séquences semblent êtres greffées artificiellement à l'intrigue.
Cette dernière rappelle les luttes quotidiennes des Noirs et des femmes à une époque dominée par les Blancs et le patriarcat. Des combats qui demeurent toujours probants aujourd'hui et qui soulignent l'importance de la solidarité, de la sororité, de la foi et de l'espérance afin de briser les chaînes de l'injustice et celles du sang qui empêchent la transmission de s'effectuer correctement.
Respectueux des écrits originaux, le scénario de Marcus Gardley ne brille pas par sa subtilité. Les dialogues ne semblent pas toujours naturels, alors que le mélo est envisagé pratiquement de la première à la dernière image. Cela donne beaucoup d'émotions, mais également des moments plus discutables où la plupart des hommes et pratiquement tous les Blancs sont méchants.
Puis il y a ce symbolisme élémentaire qui fait sourire involontairement. On ne compte plus ces arbres sans feuille (les temps gris seront longs et la mort plane à l'horizon) et ces promenades au bord de l'océan (avec ces métaphores de vagues annonçant une renaissance). Le tout se termine par un incroyable happy end où tout le monde est réunit autour d'un arbre en santé (les racines sont à nouveau fonctionnelles!), se tenant par la main en rendant gloire à Dieu...
Qu'ils soient acteurs ou chanteurs, tous les interprètes livrent la marchandise, même si aucun ne sort réellement du lot. La faible consistance des personnages unidimensionnels explique ces limites. Ainsi, Fantasia Barrino semble toujours jouer sur la même note, même si elle pousse le chant avec aisance. Colman Domingo (Rustin) n'aura jamais paru aussi terrifiant, Taraji P. Henson (Hidden Figures) brille dans un rôle flamboyant, et Halle Bailey confirme tout le talent qu'elle exprimait déjà dans la plus récente adaptation de The Little Mermaid.
Lourd et didactique malgré des performances musicales particulièrement entraînantes et enjouées, The Color Purple n'est pas à un paradoxe près. L'ensemble ne plaira pas à tous, et il n'est pas aussi puissant qu'espéré. Mais ce que le film réussit - les numéros de danse et de chant, la base d'un musical qui se respecte -, il le réussit magnifiquement bien.