D'abord, il faut savoir que La cordonnière n'est pas ce qu'elle prétend être. On nous parle partout de l'histoire de la première cordonnière du Québec, on nous dit que le film s'intéresse au parcours de Victoire Du Saut, à son métier non-conventionnel, aux embûches qu'elle a dû affronter, aux défis qu'elle a relevés, mais tout ça n'est qu'un prétexte. La cordonnière est un film d'amour bien avant d'être une saga historique. Probablement qu'on reste vague quant aux marivaudages de Victoire pour protéger le secret de ses liaisons dangeureuses, parce qu'on apprécie d'autant plus le film quand on ne sait pas d'emblée quel lien unit ses amants. Mais, malgré tout, il reste important de préciser que sous ses allures de drame d'époque se cache un triangle amoureux sulfureux.
Résumer le film sans trop en révéler n'est pas simple, mais risquons-nous à l'exercice. Victoire Du Sault, 17 ans, s'est fait renvoyer de toutes les écoles qu'elle a fréquentées. La jeune femme a bien du mal avec l'autorité et refuse d'être placée dans une case. Après avoir façonné ses premiers souliers dans l'étable de la maison familiale, elle décide qu'elle en fera son métier : elle sera cordonnière. À cette époque, elle s'éprend d'un homme plus vieux, mais leur amour est impossible. Elle jette alors son dévolu sur un autre garçon, avenant, doux et respectueux, avec qui elle fondera sa famille. Mais, elle ne pourra jamais oublier son premier amour.
Rose-Marie Perreault s'avère très crédible dans la peau de cette jeune femme courageuse et dégourdie, qui a réellement existé, précisons-le. Elle partage ce personnage fort avec Élise Guilbault, qui l'incarne à 60 ans. L'actrice a été complètement transformée physiquement pour que les marques du temps soient apparentes sur son visage. Le travail des maquilleuses et prothésistes doient être salué. Elle n'est pas la seule, d'ailleurs, à avoir subi des métamorphoses. Jeff Boudreault et Anick Lemay, qui incarnent les parents de Victoire, ont aussi fait un saut dans le futur.
La reconstitution historique de François Bouvier épate tout autant que le CCM (coiffure, costumes, maquillage). Chaque détail a été réfléchi et le résultat est un sans faute. Si le scénario s'avère plutôt convenu et se heurte parfois à quelques clichés, la force de l'amour triomphe. Il faut, par contre, accepter le mélodrame et s'y plonger sans trop se soucier de l'application parfois un peu trop révérencieuse des codes. Pierre-Yves Cardinal possède une chimie redoutable avec Rose-Marie Perreault, ce qui leur permet de faire naître une passion brûlante entre leur personnage respectif. Bien qu'inusitée et improbable, leur histoire d'amour nous transporte, nous émeut et nous garde en haleine jusqu'à la fin.
Dans la veine de classiques comme Autant en emporte le vent, La cordonnière plaira définitivement aux fans de mélodrames. Par contre, ceux qui espéraient découvrir l'histoire de la première cordonnière du Québec risquent de se retrouver le bec à l'eau.