Le film d'ados est un genre bien spécifique au sein du cinéma américain. Il y a des codes à respecter, des impératifs à ne pas omettre. Souvent, on y retrouve des sportifs arrogants, des cheerleaders égocentriques, des nerds malhabiles, mais sympathiques, des parents largués et des professeurs inspirants et/ou dépassés. Il y a aussi bien entendu cette quête personnelle du héros vers un but anodin pour un adulte, mais ô combien important pour le jeune en question, comme perdre sa virginité avant la fin du secondaire ou être nommée la reine du bal des finissants.
La chute de sparte respecte la plupart des grands commandements du cinéma d'ados sans tomber dans le convenu. La poésie de Biz apporte à ce film une beauté rarement atteinte dans les films de ce type. La narration en voix hors champ par le protagoniste est d'un lyrisme foudroyant. Certaines images sont tellement fortes qu'on en est encore secoué à la sortie de la projection. Cette immense fresque de Gaston-Miron (nom de la polyvalente fictive de l'oeuvre) sur les murs de l'école et les graffitis rouges en dessous, qui donnent l'impression que le grand poète québécois est passé sous la guillotine, est d'une telle puissance symbolique qu'elle donne des frissons dans le dos.
« St-Lambert, c'est une vieille dame qui courtise le fleuve en se faisant enculer par le Boulevard Taschereau. »
L'écriture de Biz et la caméra de Tristan Dubois nous transportent dans un univers fascinant, où l'adolescence dans sa forme la plus désabusée flirte avec la parabole. En racontant une histoire qui est, somme toute, assez linéaire et formaliste, l'auteur nous propose des références culturelles et des notions historiques pertinentes qui nourrissent l'aspect pédagogique de la production. Tout ça est emballé par une trame sonore exceptionnelle, créée en partie par La Bronze. Le hip-hop de Manu Militari et Muzion s'intègre aussi parfaitement à l'ensemble et lui octroie une attitude un peu badass qu'on adore.
Les quelques effets spéciaux - en lien avec la thématique de la Grèce antique et la ville Sparte, reconnue pour sa force guerrière - apportent un aspect ludique au film et le colorent joliment. Les acteurs - peu connus du grand public pour la plupart - livrent des performances à la hauteur de la qualité de la production. Le jeune Lévi Doré incarne un Steeve Simard convaincant avec tout le détachement et la détresse inintelligible de l'adolescent moyen. Lili-Ann de Francesco - découverte à La voix - surprend aussi dans le rôle de la jeune première. Dommage qu'on ne puisse, par contre, connaître suffisamment le personnage de Mathieu St-Amour, quart-arrière de l'école de football de l'école, pour s'y attacher adéquatement.
« Les vrais amis, ça se compte sur les doigts d'une main de menuisier. »
La chute de Sparte ne s'adresse pas uniquement aux adolescents, au contraire, les adultes auront autant de plaisir que les jeunes à découvrir l'univers imagé de Steeve. Les thématiques exploitées dans le long métrage (certains lourdes, d'autres plus candides) touchent autant les actuels ados que ceux qui l'ont déjà été. Bien que, comme plusieurs, je ne retournerais jamais à cette période charnière de la vie humaine même si on m'offrait un million de dollars, il fait bon de s'y replonger, à distance, pendant 1 h 30, à travers les yeux clairs d'un bougonneux cultivé de 17 ans.