Même si Cocteau a adapté le conte au cinéma dans les années 1940, la plupart des gens connaissent cette histoire grâce à la magie de Disney. La Belle et la Bête est, pour le commun des mortels (ou des Nord-Américains peut-être), l'histoire d'une jeune femme qui vient vivre avec une bête - un prince charmant narcissique à qui une sorcière a jeté un sort - et les créatures fantastiques qui peuplent son riche domaine (dont une théière, un chandelier et une horloge qui parlent). Évidemment, comme l'intérêt était ici de s'approcher davantage de l'oeuvre originale qui, je vous l'assure, ne contenait aucun article de cuisine anthropomorphique, le film est beaucoup plus sérieux et seigneurial que ne l'était le long métrage d'animation de Disney. Malgré tout, Christophe Gans ne tente pas inutilement de faire de son film un drame langoureux comme certains auraient pu s'y risquer. Le film garde la fraîcheur du conte et la bonhomie d'un univers fantastique romanesque.
Le conte est introduit par une narratrice qui lit une histoire à ses enfants avant qu'ils s'endorment. Cette trame narrative qu'on ajoute à l'originale n'apporte rien de bien pertinent à l'ensemble de la production, en plus de ne pas être très originale. Combien de fois a-t-on vu cette technique au cinéma? Trop à mon avis. Parfois elle apporte quelque chose, elle nourrit le propos principal, mais, dans le cas présent, elle ne fait que l'infantiliser. Ce monde fantastique dans lequel vivent des nymphes et des monstres de pierre géants et dans lequel il existe un bassin qui soigne les blessures des hommes n'est pas des plus accessibles. Il faut d'abord croire à l'univers pour arriver à nous plonger dans l'histoire qu'il nous propose, et ici l'immersion est plus complexe qu'il n'y paraît.
La faute ne revient pas aux effets spéciaux qui sont, fort probablement, la plus grande qualité de la production. Si on avait senti les écrans verts et les ajouts en post-production, on aurait rapidement décroché. Aujourd'hui, avec les moyens techniques qui sont mis à notre disposition, ce genre de faute est inacceptable. Ce n'est donc plus une question de livrer un produit de qualité, mais bien de surprendre le spectateur grâce, notamment, à un caractère visuel différent. Et l'équipe de Montréal qui a travaillé aux effets spéciaux a su relever le défi avec panache puisque les images dépassent largement l'audace du scénario.
L'idée de nous faire connaître la famille de Belle, ses deux soeurs bourgeoises et deux frères solidaires, en était une intéressante. Les frangines apportent un humour rafraîchissant à un récit assez droit. Malheureusement, il n'y a que trop peu de ces petits instants amusants qui amènent le film ailleurs, plus loin que ce qu'on connaît déjà de La Belle et la Bête. La musique très classique et les répliques artificielles n'arrivent pas non plus à élever la production au-delà du convenu et du cliché. Le choix des acteurs est également discutable. Il est presque trop évident qu'on a engagé Vincent Cassel pour que son nom au générique convainque le plus grand nombre, et non pas pour ses habiletés à interpréter le jeune premier. Il est trop vieux pour Léa Seydoux et cette différence d'âge, peu importe ce qu'en diront les puristes, dérange. Seydoux est, quant à elle, assez convaincante, suffisamment jeune et spontanée pour jouer ce personnage légendaire.
La Belle et la Bête de Christophe Gans brille par la qualité de son esthétique, mais manque de profondeur et d'originalité dans tout le reste pour nous faire oublier le classique de Disney.