Coproduction entre la France et le Québec, L'origine du mal de Sébastien Marnier est un divertissement truculent qui à défaut de marquer les esprits irrémédiablement, amuse malicieusement du début jusqu'à la fin.
Le plaisir est parfois féroce dans cette oeuvre de vipères qui malmène la cellule familiale. Surtout depuis qu'une femme (Laure Calamy) retrouve son père biologique (Jacques Weber), un homme riche à craquer que ses proches souhaitent ardemment voir disparaître.
Entre comédie noire, drame psychologique, mélo, suspense et satire, le long métrage se refuse de choisir, embrassant tous les genres sans distinction. Il le fait en multipliant les révélations et les coups de théâtre. Mensonges et suspicions mènent le bal et c'est aux spectateurs de séparer le vrai du faux, d'éventrer ce mystère qui prend parfois la forme de poupées russes.
Évidemment, il ne faut pas s'attendre à une étude profonde sur la famille. Le scénario préfère le jeu ludique, celui de séduire et de tromper, multipliant au passage les invraisemblances. La prémisse est ténue, parsemée de fils blancs et ce n'est pas plus grave pour autant.
L'intérêt réside plutôt dans la démonstration de son cinéaste à payer hommage au cinéma qui l'inspire. Celui de Claude Chabrol et de Brian De Palma, évidemment, dans sa façon de filmer les classes sociales en divisant par exemple l'écran (ces fameux split screens). Mais également au giallo, à François Ozon, à Pedro Almodovar et à Rainer Werner Fassbender: à tout ce septième art qui ose et sort des sentiers battus, à s'affirmer sans se censurer.
Après deux longs métrages parfaitement huilés (dont le très abouti L'heure de la sortie, un inquiétant thriller environnemental qui lorgnait vers John Carpenter), Sébastien Marnier se laisser complètement aller. Un geste de liberté et de générosité qui va sans doute dans tous les sens, pour le meilleur comme pour le pire (c'est savoureux et grotesque à la fois), ce qui est plutôt rare dans une industrie de plus en plus formatée.
Le réalisateur laisse d'ailleurs beaucoup d'espace aux personnages féminins : celles qui s'attaquent justement à l'origine du mal. La distribution de haut calibre, qui présente des comédiennes dans des rôles atypiques, navigue dans les clichés en forçant les traits. Des performances théâtrales qui ajoutent à l'artificialité de l'ensemble. Laure Calamy vole la vedette de sa présence sentie et elle forme d'ailleurs un intriguant duo avec Suzanne Clément, plus vigoureuse que jamais.
La contribution québécoise ne s'arrête pas là. La conception du montage sonore signée par Sylvain Bellemare (fidèle collaborateur de Denis Villeneuve) titille rapidement l'ouïe. Tout comme les pièces musicales accrocheuses de Philippe Brault et Pierre Lapointe, qui culminent par une chanson de ce dernier.
Difficile de ne pas être réjoui devant L'origine du mal. L'effort est tellement gros, tellement exagéré que le public sera transporté dans des montagnes russes vertigineuses... à condition, bien entendu, de vouloir jouer le jeu. Une odyssée qui n'a aucune autre prétention que de vouloir faire passer un agréable moment de cinéma et qui y arrive le plupart du temps.