Il y a des titres plus vendeurs que L'incroyable histoire du facteur Cheval. Il y a également des sujets plus intéressants que ce film, sur un homme qui a consacré 33 années de sa vie à construire un palais. Le tout de ses propres mains, ayant réalisé cet exploit prodigieux il y a plus d'un siècle. Mais contre toutes attentes, il s'agit d'un long métrage qui fait du bien à l'âme.
Ce qui attire rapidement l'attention dans cette histoire vraie, c'est la dévotion de son héros, sujet de rigolade du village, qui passe ses journées à livrer le courrier et ses nuits à ériger une structure impressionnante. Qu'est-ce qui peut bien l'animer? La question est légitime et le mystère demeure entier. Le protagoniste, qualifié de dingue, est doté d'une liberté d'action foudroyante, faisan fi des normes en cours, allant au bout de son rêve au détour d'un projet incommensurable qui lui permettra de s'inclure dans la société.
Une source d'inspiration certaine et une forte leçon de courage, qui est à l'image du jeu intense de Jacques Gamblin. Ce grand acteur ne laisse rien au hasard, étant prêt à tous les sacrifices pour offrir l'interprétation la plus précise possible (il est même allé dormir dans le véritable palais situé dans la Drôme). Le voilà se livrer corps et âme afin de restaurer la mémoire de cet être rude et parfois figé, qui est tout sauf aimable. Si jamais il y a un remake anglophone, on verrait très bien Christian Bale dans son rôle.
À ses côtés illumine Laetitia Casta, qui a toujours été capable du meilleur (chez Raoul Ruiz, par exemple) comme du pire (toutes ces productions douteuses où elle a été embauchée uniquement pour sa beauté). Elle est ici étonnamment crédible en paysanne, formant un duo attendrissant quoique pas toujours crédible avec sa vedette masculine, surtout lorsque les années s'emballent et que l'écart d'âge se fait ressentir. Au moins, il y a une certaine intelligence du coeur qui émane de ce personnage qui n'est qu'amour et qui représente ces générations de grand-mères qui tenaient la maison au rythme des saisons.
La nature joue d'ailleurs un rôle prépondérant dans cette aventure hors du commun. L'utilisation de la lumière est sidérante, évoluant au fil du récit. Le rythme lent permet de mieux saisir ce temps qui passe, cette matière première qui anime la création. La mise en scène de Nils Tavernier demeure toutefois un peu trop lisse et académique, à mille lieues de celles de son célèbre paternel Bertrand et de ses extraordinaires fresques historiques (comme Un dimanche à la campagne et Que la fête commence). Puis il y a toutes ces métaphores, primaires et envahissantes.
S'il n'est pas toujours passionnant, L'incroyable histoire du facteur Cheval ne manquera pas de bouleverser. Beauté et malheur se succèdent jusqu'à une conclusion particulièrement émouvante, dont les effets s'avèrent beaucoup trop appuyés. Le film revendique une simplicité qui lui va comme un gant, représentant parfaitement son héros borné et libre.