Fort de ses six nominations aux Oscars, Darkest Hour devrait permettre à Gary Oldman de remporter la prestigieuse statuette, comme il l'avait fait précédemment aux Golden Globes.
Normal diront les plus cyniques, parce qu'il incarne un homme influent de l'histoire récente. Surtout que cela récompenserait au passage un grand acteur qui n'a encore rien gagné d'important. En lui donnant le prix, c'est reconnaître sa carrière plus qu'enviable et cette façon incroyable d'être passé des plus grands méchants (Meantime, Murder in the First, The Fifth Element) aux gentils par excellence (le commissaire Gordon au sein des Batman de Christopher Nolan, Sirius Black dans la série Harry Potter).
C'est dans cette mouvance que s'inscrit ce nouveau rôle. Bien que de nombreux comédiens aient incarné par le passé Winston Churchill, aucun ne l'a fait de cette façon-là. Gary Oldman transcende le film de sa seule présence, retrouvant l'âme du célèbre homme d'État. Sans doute que le lourd maquillage fait en sorte qu'on y croit. Sauf que l'interprète livre toute une prestation, pleine de désinvolture et de grimaces, n'ayant pas besoin de singer la voix et la démarche de l'ancien Premier ministre britannique.
S'il force la note et les mimiques, se transformant parfois en bouffon, c'est davantage la faute au ton général du film. Malgré la période tendue (il faut réagir rapidement afin de sauver des milliers de soldats pendant la Seconde Guerre mondiale) et d'innombrables jeux de coulisses politiques, on ne sent jamais la tension monter, le suspense émaner de l'écran. Bien au contraire, le drame se mute trop souvent en comédie, distrayante par ses dialogues, mais qui détourne constamment le sujet. La comparaison n'est surtout pas en sa faveur lorsqu'on se rappelle que le grandiose Dunkirk a pris l'affiche quelques mois plus tôt et qu'il traitait de la même crise.
Le scénario d'Anthony McCarten (The Theory of Everything) ne paie pas de mine, flirtant avec les bases du biopic tradionnel. Prendre comme point d'ancrage une jeune novice afin de lui expliquer - et nous expliquer au passage - ce qui arrive est un procédé éculé. Le script ne possède pas assez de substance et de nuance pour faire exister tous les personnages en place (pauvre Kristin Scott Thomas en épouse sous-utilisée), préférant les lourdes joutes oratoires à la subtilité défaillante. C'est le cas notamment vers la fin où le protagoniste arrive à inspirer le peuple lors d'un simple déplacement en métro. De la manipulation, dont le symbole ironique est plus en phase avec l'incapacité d'un certain président américain à rallier l'opinion publique.
Évidemment, la performance de sa vedette fait en sorte qu'on ne remarque pas trop ces nombreux désagréments. Le grand talent du cinéaste Joe Wright est également à l'oeuvre, dépoussiérant allègrement son sujet, le rendant le plus moderne et stylisé que possible. Tout est une question de cadrages (parfaits) et de rythme (mouvementé), utilisant les différents éléments qu'il a à sa disposition pour en mettre plein la vue et les oreilles. Et comme il peut bénéficier de l'apport de la photographie de Bruno Delbonnel (complice des récentes fresques d'Alexandre Sokourov et des meilleurs opus de Jean-Pierre Jeunet) et de son fidèle compositeur Dario Marianelli, la poudre aux yeux fonctionne amplement.
De tous les longs métrages sélectionnés pour l'Oscar du meilleur film, Darkest Hour est certainement le plus faible du lot. On s'y intéressera d'abord et avant tout pour le jeu incandescent de Gary Oldman. Puis pour la mise en scène de haute voltige du créateur du brillant Atonement, qui éclipse rapidement un canevas tragi-comique mal assumé.